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DIEU TRISTE
Extrait du Journal des Amis de Charles Trenet No. 100 de décembre 1968 

Par notre collaborateur Jean ITHIER.
 Charles Trenet a écrit depuis sa jeunesse de vrais poèmes qui mériteraient d’être publiés et mettraient fin à toute équivoque sur son don poétique.
Ce poème, paru en 1940 dans le « Journal de la femme », fut inspiré par les mélancoliques statues mythologiques du jardin public à Perpignan.


Le jardin public où sourit ce dieu triste
Est encombré de fleurs laides. Le soir
Un homme passe avec une corbeille,
Puis un cycliste
Puis une vieille
Puis des gens tristes qui s’ennuient,
Et puis la nuit.

La nuit généralement
Le dieu quitte son socle.
Un soir il s’est assis sur un banc
A côté d’un monsieur à binocle
Qui sans doute attendait une femme.
Le monsieur s’est d’abord effrayé,
Puis il a souri, par politesse,
Au dieu gras qui s’ennuyait.
Le monsieur s’épongeait le front,
Disant :  « Viendra-t-elle ? »
Et le dieu d’un hochement de tête franc
Répondait : « Elle ne viendra pas. »

Le dieu s’ennuie,
Il s’étiole, ronge son marbre.
Il bâille dans ce jardin,
La nuit il descend et pleure sous les arbres.