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CHARLES TRENET A BRUXELLES, AU CIRQUE ROYAL
le 31 Oct 2012 - 12:10
Charles et la chanson Recueilli par Elisabeth Duncker

Entre Charles Trenet et le Cirque Royal, salle de spectacle mythique à Bruxelles, c'est une longue histoire. Charles est venu enchanter les lieux avec ses chansons en 1943, 1956, 1987 et 1993. Avec cette passion qui la caractérise et s'appuyant sur l'abondante documentation qu'elle a patiemment réunie, Elisabeth nous raconte quelques visites successives de Charles, au fil des chapitres suivants :

L'histoire du Cirque Royal (extrait) par Laurent Weinstein et une préface de Raymond Devos

Extrait du journal « LE SOIR » du 23 novembre 1987 : Charles Trenet, 50 ans de chansons

« LE SOIR » du 19 novembre 1987 : TRENET : 50 ANS D’ÉCHANGE !

« BELGIQUE NUMERO 1 » du 26 novembre 1987 

« LE SOIR » du 30 novembre 1987 : LA JAVA DU DIABLE AU CIRQUE DE TRENET par Catherine Degan.

« LE SOIR » du 9 septembre 1993 : TRENET A OUVERT LE « BOTA-CHANSON ». Fidèle, il est resté fidèle : immuable Charles ! par Thierry Coljon.

COUP D’ŒIL EN COULISSE - avant et après le récital… Par Elisabeth Duncker








Extrait du livre « Histoire du Cirque Royal » 1878 – 1995, par Laurent Weinstein (Le Cri édition – 1995) :

Préface
par Raymond DEVOS.

« Demandez le programme »
Mesdames et Messieurs,
le Cirque Royal de Bruxelles vient de loin
et revient de loin.
Son histoire ?
La voici, racontée, je dirais de l’intérieur,
par ceux qui l’ont aimé, suivi,
remis en selle… et finalement sauvé.
Ceux qui ont répété sans relâche :
« Demandez le programme ! »
au moment, précisément, où le spectacle
risquait de ne plus être programmé !
Quand je dis « son histoire », je devrais dire
« sa biographie », car il apparaît,
par la magie de son auteur Laurent Weinstein,
que ce « Monsieur Royal » était le cirque personnifié
En vérité, ce « Monsieur Cirque » , c’était quelqu’un,
une manière de Frégoli qui changeait d’aspect,
de visage, de costume. De genre et de style
à chaque nouveau spectacle.
Tantôt il se vêtait de la peau de l’ours,
tantôt de celle du lion.
Tantôt il se disait dompteur,
Parfois il se disait diseur.
Quelquefois il se faisait chanteur,
le canotier sur l’œil…
« Ma pomme ! »
ou le chapeau mou
planté comme une auréole
sur ses cheveux fous… « Il y a d’la joie ! »
« Demandez le programme ! »



En guise d’ouverture

En 1876 le feu vert est donné pour la construction d’un cirque.
En 1878 Bruxelles inaugure son Cirque. En avant pour des soirées très « grand spectacle ».

Le Cirque interrompit ses activités à la fin février 1940. La Seconde Guerre mondiale allait se jeter sur la Belgique. Période pénible et souvent très difficile pour Bruxelles et sa population. Et pourtant il fallait sauver le Cirque Royal, il fallait éviter que l’occupant s’en empare, éviter que le Cirque ne devienne pas un centre de propagande nazie.

C’est ainsi que naquit le Théâtre du Cirque royal qui devait inaugurer une nouvelle formule d’exploitation. En 1943, pour leur premier spectacle, Lucien Fonson et Aimé Declercq, codirecteurs, et leur attaché de presse, Julot Verbeeck, engagèrent Charles Trenet, le créateur de Boum – déjà très populaire à cette époque – qui s’y produisit durant trois semaines. Accompagné par son pianiste Léo Chauliac et de l’orchestre de Fud Candrix, Charles Trenet occupait toute la seconde partie et remporta l’énorme succès auquel il est habitué depuis. Agé alors d’une trentaine d’années, Charles Trenet, qui avait été qualifié de  fou chantant  par un journaliste (sic), justifiait souvent cette appellation contrôlée par des facéties, parfois dangereuses, comme il s’amusa à déplacer les bottes que les officiers allemands avaient laissées à la porte de leurs chambres de l’Hôtel Métropole.


Bravo, Charles Trenet !

Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle… , ces paroles d’un tube d’une grande vedette de la chanson française, Charles Trenet, furent de circonstance au Cirque royal en 1956 et même de nombreuses années plus tard.

Il faut rappeler que ce merveilleux chanteur-poète y connut un premier triomphe en 1943. Cette fois-ci, en 1956, Charles revint au Cirque royal pour y fêter ses vingt ans de chanson. Il prouverait encore sa fidélité à plusieurs reprises puisque trente ans plus tard, il y fêta ses cinquante ans de métier pour revenir encore le 7 septembre 1993 et y célébrer à sa façon ses quatre-vingts ans, ceci dans la foulée de son gala anniversaire à l’Opéra Bastille.

De Y a d’la joie à La mer en passant par L’âme des poètes, Charles Trenet remporta au Cirque royal un succès énorme. Chapeau mou en auréole et l’œillet rouge toujours à la boutonnière, il réussit à emmener son public sur sa Route enchantée parsemée d’une poésie qui continue à bercer des générations.


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Charles Trenet : 50 ans de chansons au Cirque royal le 28 novembre 1987, 50 ans de « fou chantant » vus par quelques artistes belges d’aujourd’hui.
(Propos recueillis par Catherine Degan et Thierry Coljon).
Extrait du SOIR du 23 novembre 1987 :

Quelques jours avant la venue de Maître Charles au Cirque royal, pour une soirée historique qui jumèle le siècle du Soir à son demi-siècle de chanson, nous avons interrogé sur le vif quelques-uns de nos fous chantants nationaux. Trenet, pour vous, c’est… ?

Florilège. 

ADAMO :
Il est pour ainsi dire l’un de mes modèles, pour cette légèreté qu’il a apportée à la chanson. Avant lui, la chanson était surtout un peu misérabiliste. Il l’a débarrassée du carcan réaliste pour lui apporter cette légèreté qui fait qu’une chanson vole… Il a été, pour son époque, un peu l’équivalent de ce que les Beatles furent pour les années soixante. Depuis lui et depuis eux, il y a pas mal de clichés dont on n’ose plus se servir dans la chanson.

PAUL LOUKA :
C’est le Patron. Il amène tout ce qu’on dit « moderne » aujourd’hui – en chanson française bien sûr. Mon texte Discographie commence d’ailleurs par lui :
D’abord le Fou chantant, Trenet le grand patron…


JO LEMAIRE :
Je trouve qu’il n’y a pas de raison qu’un dinosaure comme lui se retire, bien au contraire. Il a toujours sa place, plus que jamais, dans la chanson française qui aujourd’hui n’a plus cette qualité et ce charme. Si je dois chercher son influence sur mes chansons, je dirais l’humour…

MAURANE :
J’aime bien Trenet. C’est la vie. Toutes ses chansons sont vivantes, gaies, super et tout ! C’est un grand bonhomme qui a beaucoup apporté à la chanson francophone. Son côté jovial et positif, je trouve ça génial.

JULOS BEAUCARNE :
Trenet, c’est un géant, évidemment. Un géant de l’écriture, de la musique, de la folie. Car c’est un véritable fou (chantant). Ce qui m’a toujours plu en lui, c’est sa fantaisie, cette folie extraordinaire. Certaines de ses chansons sont de véritables comptines, des virelandes, où les mots ont une importance capitale. Et puis cette musicalité jazz… On ne dira jamais assez l’importance de Trenet. Même Brassens a été fort influencé par lui. Il est un exemple pour nous, les chanteurs. Le 28, je descendrai tout juste de l’avion du Québec, mais je serai là !




HENRI CHENUT ET SON FUTUR « MUSÉE »

Gérard Valet avait organisé, en complicité avec Julot Verbeeck, attaché de presse du Cirque royal, une bourse d’échange de disques et autres reliques relatives au grand Charles. Maître des cérémonies : Henri Chenut, futur conservateur du futur musée Charles Trenet à Narbonne !

Ce technicien à la météo nationale avoue en effet avoir développé, depuis la puberté, une véritable passion pour le créateur de Boum ! « Inexpliquée,  dit-il, comme toutes les passions. Mais il y a entre la météo et le répertoire de Charles un rapport de poésie et de nuages… » Véritable groupie, collectionneur inépuisable, cette mémoire vivante , comme il aime à s’entendre définir, espère donc, un jour, habiter et transformer en fondation la célèbre maison dont les placards et les trains voisins font partie intégrante du corpus de son idole. Mais l’idée ne vient pas de moi, se défend-il. C’est Trenet lui-même qui me l’a suggérée. En 1986, la municipalité narbonnaise était très intéressée. Mais, depuis, elle est restée muette pour Dieu sait quelles raisons. Le projet est donc pour l’instant à l’état de grand point d’interrogation. »

Même si sa passion se révèle financièrement très absorbante. (« Mais Il ne m’a pas dit de le faire, n’est-ce pas ? »), Chenut en retire tant de bonheurs, comme celui d’avoir figuré aux côtés de Charles dans un téléfilm. (N.D.L.A. : « TRENET-VISION » tourné en 1973, pour la 1ère chaîne, réalisé par Jacques Ertaud). « Non, dit-il encore, je ne me sens pas dans l’ombre d’une star. D’abord Trenet n’est pas une star comme seuls le sont les acteurs de cinéma. Il est le troubadour, le chanteur poète, le vagabond. Et chacun a son rôle à jouer. Moi je suis le collectionneur, son historiographe comme il m’a un jour présenté. Nous ne suivons pas la même route, même si elle part d’un même point… »
(N.D.L.A. : On sait qu’entretemps Chenut l’a eu, son musée de Narbonne qui a ouvert ses portes encore du vivant du Maître, c’est-à-dire le 4 novembre 2000.


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TRENET : 50 ANS D’ÉCHANGE !
« LE SOIR » du 19 novembre 1987 :

Trenet, notre Grand Charles à tous, sera au Cirque royal le 28 novembre, pour fêter avec nous ses cinquante ans de chanson. Et nous ne pouvons que répéter ce que nous en avons dit à Bourges au Printemps dernier : Trenet est, et demeure, unique, irremplaçable, incontournable. Douce… chance donc que cette visite pour tout dire inespérée !


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Extrait de « BELGIQUE NUMERO 1 » du 26 novembre 1987 :

Certains spectacles ou certaines tournées héritent parfois à tort du label historique : tel ce n’est en tout cas pas le cas pour le récital du 28 novembre au cours duquel Charles Trenet offrira au public bruxellois un tour de chant de 23 succès afin de commémorer ses 50 ans de présence sur les scènes. La dernière fois qu’il s’était produit en Belgique, c’était il y a 10 ans à Forest National (N.D.L.A. : c’était le 24 septembre 1976) ; il avait décidé alors d’y fêter… ses adieux !

Depuis lors, l’ombre du fou chantant planait bien encore sur les scènes et les tréteaux des théâtres et des music-halls, mais le voir effectuer un come-back à l’âge de 74 ans c’était une hypothèse pour le moins fantaisiste que beaucoup, il y a quelques mois encore, auraient taxée d’invraisemblable. C’était mal connaître toutefois le comportement toujours imprévisible de l’homme à l’œillet rouge.

Comment l’idée de ce challenge est-elle née ? Tout simplement à l’occasion du printemps de Bourges 1987 – où avait été organisé, pour un demi-siècle de chansons – un immense gala au cours duquel les vedettes francophones actuelles et tous genres confondus, étaient venus interpréter les plus grands succès du maître. Bourges allait ainsi devenir le tremplin d’un triomphe au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, puis au Lincoln Center de New York et sans aucun doute de ce samedi au Cirque Royal à Bruxelles.


REVOIR BRUXELLES

Trenet ne fait pas partie de ces artistes qui drainent avec eux une colonie de techniciens, de machines et de light shows, mais il n’empêche que le convaincre de se déplacer pour un spectacle est une entreprise qui n’est pas gagnée d’avance tant le personnage – comme tout bon poète qui se respecte – connaît parfois de ces caprices qui font cauchemarder les producteurs et les impresarios.

Plusieurs raisons l’ont pourtant incité à accepter, lors d’une visite éclair qu’il fit incognito à Bruxelles au mois d’août, l’invitation du Cirque Royal. Il y a d’abord une longue amitié qui le lie à Julot Verbeeck, mais encore une multitude d’événements et de souvenirs qui le rattachent à la capitale et font qu’il ne s’y sent pas vraiment étranger.

Son premier fan club en Belgique remonte en effet à 1939 : à l’époque il venait à peine de recevoir le grand prix du disque pour sa chanson Boum et la jeunesse retrouvait dans ce personnage bondissant et endiablé le dynamisme et l’enthousiasme que la guerre allait bientôt mettre sous l’éteignoir. Très rapidement, le club allait atteindre une expansion vertigineuse à tel point que les réunions, au début espacées, se tinrent bientôt chaque samedi soir dans une salle annexe des Beaux Arts. Sous l’occupation, le club fut le premier à recevoir l’autorisation de danser et l’on comprend dans ces conditions le succès énorme qu’il connut, à tel point qu’on le vit bientôt déménager dans une salle plus vaste de la Galerie des Princes et enfin à L’heure bleue (ancien palais d’Été) devenu aujourd’hui le parking 58. Charles Trenet, qui ignorait pour ainsi dire jusqu’alors l’existence même du club, se rendit compte des ravages de la Trenetmania lors de sa venue au Cirque Royal en 1943. Les autorités communales bruxelloises avaient décidé de monter le plus rapidement possible un spectacle afin que l’occupant n’investisse pas la salle de la rue de l’Enseignement comme il l’avait fait quelque temps plus tôt à propos de la Monnaie ou du Théâtre flamand. Pour attirer le monde, animer la salle du Cirque Royal, bref pour rendre à la vie culturelle bruxelloise une bouffée d’oxygène, il fallait se payer la plus grande vedette de l’époque et le triomphe qu’y connut Trenet fit de Bruxelles une étape obligée pour chacune de ses tournées ultérieures.

Après le hostilités, les adolescents du Trenet Club étaient devenus des adultes : la plupart avaient fondé une famille, d’autres étaient absorbés par leur profession et les réunions du samedi soir disparurent spontanément comme elles étaient nées. Pourtant on les retrouve tous ou presque lors des grandes occasions tel qu’un passage de leur idole ; pour eux, c’est – le temps d’une soirée – la possibilité des se remémorer leurs jeunes années 



J’AIME LE MUSIC-HALL

« J’aimerais que vous ne veniez plus chaque soir au spectacle ; j’ai l’impression que vous me surveillez ».

Telle est la réflexion pour le moins surprenante que faisait Trenet à l’adresse d’un spectateur qui, à chaque représentation, réservait le même fauteuil tout au long des nombreuses représentations qu’il vient de donner à Paris. (N.D.L.A.) : Voici la version de Richard Cannavo dans « TRENET, le siècle en liberté » éditions Hidalgo – 1989 : Henri Chenut, le « fou compilant » - Il ajoute, comme à regret  (c’est Henri Chenut qui parle) : « Charles m’a dit une fois : « Ne revenez pas me voir tous les jours, j’ai l’impression que vous me surveillez… »)


C’est pourtant grâce à des trenetologues de cet acabit que l’on peut reconstituer jusque dans ses moindres détails la carrière d’un jeune homme blond aux yeux bleus monté un jour à Paris pour y connaître la gloire. Grâce à ces travaux de bénédictins opérés par ces docteurs es Trenet, aucun événement, fût-il anecdotique, n’échappera à la loupe de ses biographes. On sait ainsi – chose que Trenet ignore sans doute lui-même car l’ordre n’est pas sa vertu majeure – que s’il a déposé quelque 500 chansons à la société des auteurs, il est le père des milliers d’autres qui se baladent çà et là dans la nature, qui dorment encore dans des tiroirs ou qu’il a abandonnées un soir de déprime ou de bonheur sur un menu de restaurant ou sur un coin de nappe. Et quand on lui demande s’il se fie à son seul instinct pour écrire ou s’il préfère s’installer confortablement à son bureau, sa réponse pour être poétique n’en est pas moins explicite : «  Moi, dit-il, je compose des chansons comme un pommier fait des pommes ! » Ces pommes, faut-il le souligner sont un magnifique produit d’exportation qui ne se limite pas, comme on pourrait le penser trop souvent, aux seuls pays francophones.

Ainsi, il a été relevé 75 versions de Que reste-t-il de nos amours ?, interprétées par des artistes aussi différents que Marlène Dietrich, Barbara Streisand, Sinatra ou Nat King Cole. Quant à L’âme des poètes, pour ne citer que ce titre, il a connu plus de cent interprètes parmi lesquels Yves Montand, Bing Crosby et même Lucienne Boyer. (N.D.L.A. : cette chanson fut écrite pour Lucienne Boyer, en 1944).


MADE IN BELGIUM

Habitué à séjourner à de très nombreuses reprises chez nous, il est tout naturel – même si on ne le sait pas toujours - que Charles Trenet y ait composé un bon nombre de ses chansons dont le titre évoque pour lui des souvenirs plus ou moins nostalgiques. A Bruxelles il a écrit entre autres : « Un coin de rue » tout simplement parce qu’il existe Place de la Monnaie un magasin de confection qui porte ce nom et que cet enseigne l’avait marqué puisqu’il avait l’habitude d’aller dîner dans un restaurant qui lui faisait face. (N.D.L.A. En réalité cette chanson « Coin de rue » a été écrite pour Juliette Gréco, comme Charles l’affirme lui-même, pendant un repas avec la chanteuse, et griffonnée sur « un coin de table »).

C’est aussi à Bruxelles qu’il a eu l’idée de la chanson Les enfants s’ennuient le dimanche, parce qu’il voyait dans les vitrines des magasins du centre, des mannequins auxquels les décorateurs s’efforçaient de donner un semblant de vie, mais dont l’immobilisme et la fixité lui apparaissaient plus mélancoliques encore. Auteur, compositeurs, peintre à ses heures, Trenet a touché à tous les modes de communication si l’on se souvient qu’il a aussi flirté avec le cinéma et écrit plusieurs ouvrages. Avant guerre, il s’était même lancé dans les slogans publicitaires sur une célèbre radio parisienne (c’est à lui que l’on doit « Kot Kot Kodak »). On pouvait même entendre à la fin des années 30 sur radio Schaerbeek et sur radio Conférence un « jingle » composé par le créateur de La mer parodiant l’un de ses succès pour vanter une marque de margarine !


TIJL L’ESPIÈGLE DE NARBONNE

C’est ainsi que Trenet aime à se définir lui-même et cette description convient parfaitement à son esprit farfelu, enthousiaste, inattendu et parfois déconcertant. Le luxe, à ses yeux, prend parfois des allures des clins d’yeux comme ce fut le cas quand, passionné de voitures, il fit des pieds et des mains pour acquérir une superbe Delahaye qui avait pourtant été auparavant retenue par le prince Ali Khan. Assis au volant de « sa superbe auto » il fit ainsi la « une » de toute la presse française mais quelques mois plus tard il acheta lors de sa tournée aux Etats-Unis, une non moins somptueuse Cadillac qu’il abandonna pourtant sur le quai de New York lors de son retour, les droits de taxe lui paraissant exagérés. La merveilleuse décapotable blanche l’attend peut-être encore derrière un hangar à l’ombre de la statue de la liberté.


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LA JAVA DU DIABLE AU CIRQUE DE TRENET par Catherine Degan.
LE SOIR du 30 novembre 1987

Pour une belle fête, ce fut une belle fête ! Trente chansons pour deux heures de plateau . Le fou-chantant, septante-quatre ans – est donc revenu sur les lieux de son premier « crime », puisque c’est à Bruxelles qu’en 1937, il débutait en solitaire sur la scène des Variétés, avec trois chansons en première partie de Raimu ! Un demi-siècle plus tard, Trenet est au Cirque et le Cirque est à Trenet – fidèle, fidèle.

Debout !

Seule ombre au tableau de la fête. Car les mieux nantis qui y vinrent n’économisèrent pas plus leurs hourras que leurs deniers. Et point n’était besoin, comme s’y employa un préposé surgi d’on ne sait où, d’haranguer les premiers rangs pour qu’ils se lèvent à l’entrée du maître : ils l’auraient fait sans vous, cher monsieur, comme tant d’autres l’avaient fait au Printemps de Bourges et ailleurs dans un élan plus heureusement spontané que cette espèce de drill imposé pour grand-messe.

Il accueille l’hommage avec cette sorte de naturel qu’il arbore en toutes choses, le sourire grand ouvert, d’entrée de jeu et une fois pour toutes, sur les dents blanches, si blanches. C’est parti, mon Charlie, et attention les yeux ! Car déguster Trenet en fonction d’une nostalgie ou, comme pour les plus jeunes générations, dans l’attente d’une découverte est une chose toujours exquise. Mais le revoir, comme c’est notre cas, à quelques mois d’intervalles, aiguise évidemment l’intérêt sur les fondements, la structure, les « trucs » même de son art et loin de tout rétro-activisme primaire, prend et garde valeur de leçon.

Musicalement, nous l’avions goûté à Bourges assaisonné d’un grand orchestre, qui, tout performant fut-il, noyait souvent la fraîcheur du met sous une sauce trop anecdotiquement datée. (N.D.L.A. : Au Printemps de Bourges cette année 1987, il n’était pas du tout accompagné par un orchestre, mais tout simplement par ses musiciens habituels  : Christian Rémy et Roger Pouly aux deux pianos et, à cette époque encore, Pierre Nicolas à la contrebasse). Au Cirque, deux pianistes à face, plus l’irremplaçable Pierre Nicolas (vingt ans de Brassens) à la contrebasse révèlent et détaillent ce que le swing Trenet doit au jazz et autres courants d’airs outre-atlantiques – d’où, bien entendu, tout ce que la nouvelle chanson française doit au swing Trenet. Textuellement, les mots tant fredonnés en chapelets de refrains surgissent à la réécoute, s’autonomisent, brillent de leurs feux propres : et l’on se demande vraiment, ci et là, combien osent encore écrire de la sorte aujourd’hui – car il s’agit bien d’audace, d’impertinence souveraine, de jongleries perverses.


L’économe

Trenet, maître-économe de ses moyens (et non de sa fatigue comme le voudraient les plus méchantes langues) gère d’un bout à l’autre en crescendo la construction et l’interprétation de son récital, dont chaque chanson, à l’image du tour tout entier, démarre ultra mollo pour s’amplifier doucement et n’exploser qu’aux dernières mesures. Presque comme s’il voulait nous faire craindre, vingt fois, quarante fois de suite, qu’il ne peut plus tout à fait et puis hop !, nous retourner notre défiance à la « Je vous ai bien eus !». Econome aussi, bien sûr, dans la gestuelle, parce qu’un œillet rouge à la boutonnière bleue, le mollet fringant, un petit saut à droite, une paume soudain ouverte à gauche, et le célèbre chapeau brandi en ultime ressort suffisent si amplement.

La seule tentation à laquelle il ait cédé, semble-t-il, est celle d’un timide light-show qui, au final, éclate en douches… tricolores, aïe ! (N.D.L.A. : C’était à titre d’expérience et selon une idée de Gilbert Rozon, mais qui ne serait pas poursuivie). Dame, l’homme Charles a ses faiblesses, ce n’est un secret pour personne, mais c’est une autre histoire. N’est-ce pas, d’ailleurs, pour cet homme-là que Jules Verbeeck, qui le connaît bien, fit confectionner une immense pièce montée de gâteaux anniversaires, cérémonieusement amenée sur scène au dernier bis de Y a d’la joie. (N.D.L..A : En fait ce gâteau monstre ne fut apporté qu’après la tombée du rideau, loin des regards du public).
M .Trenet sourit. Il est content. Il souffle les bougies avec Elisabeth ‘t Kindt, directrice du Cirque, prend complaisamment la pose pour les photographes. Puis il s’éclipse, malgré les hourras qui le rappellent encore et encore. Même la tentative de récupération intime qui suit par un homme politique qui passait par là, fera flop. Trenet-le-pro a fait plus et mieux qu’honorer son contrat. Mais quand c’est fini, c’est fini. L’homme Charles est reparti.


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TRENET A OUVERT LE « BOTA-CHANSON ».
Fidèle, il est resté fidèle : immuable Charles ! par Thierry Coljon.

« LE SOIR » du 9 septembre 1993 :

Il serait temps de dénoncer ce scandale. Voilà un monsieur qui, sous prétexte d’écrire des chansons et d’en faire son métier, se permet de ne pas vieillir. Que fait le temps dont les outrages sont mondialement célèbres ? Pourquoi fait-il une exception pour ce gredin à l’insultante santé ?

Mardi soir, 7 septembre, au Cirque Royal, l’artiste qu’on dit Fou chantant a une nouvelle fois prouvé que ses quatre-vingts printemps comptent pour du beurre. Il suffit qu’il porte de nouveaux mocassins blancs et le voilà retombé en enfance avec ses petits pas sautillants, ses chorégraphies simplettes à prendre au second degré, ses fausses sorties faisant partie du cérémonial et son légendaire jeu de jambes qu’il a fines et qu’il affine.

Monsieur Charles Trenet est surnaturel. C’est la quatrième fois en cinq ans que nous assistons à son récital qui a beau être chaque fois le même, le miracle, comme la lune, est au rendez-vous. Le même à quelques détails près évidemment. La mémoire étant plus fidèle pour les chansons éloignées dans le temps, Charles les préfère par exemple à celles de son dernier album dont seule Temperamentale fut reprise. Pour le reste, on a eu droit, dans un ordre à peine différent, à la liste du Théâtre des Champs-Elysées de 1987 (ayant donné lieu à un excellent disque EMI). De Revoir Paris à Y’a d’la joie en passant par J’ai ta main, La famille musicienne, Douce France, Que reste-t-il de nos amours ?, Boum !, Mam’zelle Clio, Le jardin extraordinaire, L’âme des poètes, La mer… On pourrait tous les citer, ces « tubes » du vingtième siècle. Comme nous le glissait furtivement dans l’oreille un collègue pardonnable vu son jeune âge, je n’ai aucun disque de Trenet, mais à les entendre, je reconnais toutes les chansons.

Plus inattendue est la reprise de Mes jeunes années offerte en son temps aux Frères Jacques (sic – offerte aux Compagnons de la Chanson, naturellement) ou le A la porte du garage, millésime 1955 avec l’accent narbonnais. Trenet n’a même pas oublié Vous oubliez votre cheval qui est la plus vieille, ou plutôt la moins jeune chanson de la soirée puisqu’elle date de 1936 (N.D.L.A. : 1938). Et les arrangements aux deux pianos et contrebasse gardent cette légèreté qui n’a jamais quitté son répertoire. On est loin des habituelles coulées de violon ou électrifications ringardes propres aux fins de carrière.

Trenet est éternel et inlassable. Ses yeux qui roulent, son doigt levé, son œillet à la boutonnière, son humour bon enfant, son charme inaltérable, son romantisme intemporel. Tout est toujours là et jamais ne s’envolera...


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COUP D’ŒIL EN COULISSE - avant et après le récital…
Par Elisabeth Duncker


Ce 7 septembre, dès 3 heures de l’après-midi, on voit, dans l’entrée du Cirque, chargé de sacs et mallettes pleins de fragments de sa collection, Henri Chenut, trottant çà et là, guettant l’arrivée du Maestro. Car on lui a dit qu’il y aura une répétition cet après-midi.
Jules Verbeeck, très aimable, lui autorisera à y assister dans la salle, en recommandant :
“Mettez-vous dans les loges bien dans le noir... Je ne veux pas d’histoires. Charles, lui, ne dira rien, mais c’est son entourage...”
Il parle de son producteur Gilbert Rozon évidemment, devant lequel il semble trembler !

La salle est encore dans la pénombre. Sur le plateau à demi éclairé, des techniciens sont occupés à tester l’éclairage. Dès qu’ils ont fini, un accordeur s’occupe des deux pianos.
Assis tout à fait au fond de la salle devant un tableau de réglage, des ingénieurs du son mettent au point la sonorisation, en faisant des essais avec les micros. Quand tout est terminé, tout ce monde sort casser la croûte et la salle replonge dans le noir.
Les musiciens sont convoqués pour cinq heures. D’abord arrive le contrebassiste Alphonse Masselier. Il est venu à Bruxelles en voiture dans laquelle il transporte son précieux instrument dont il ne se sépare jamais. Il rentrera à Paris aussitôt après la représentation. Les pianistes Christian Rémy et Roger Pouly arrivent à leur tour. Eux ont voyagé en train et sont à l’hôtel rue Royale quelque part, à deux pas du Cirque.

Rozon paraît en compagnie de Danielle Roy, son épouse et co-fondatrice du Festival « Juste pour rire ». C’est elle aussi qui a dessiné l’affiche bleue pour la série de concerts que Charles donna au Palais des Congrès en 1989. On lui doit également la conception des pochettes CD de « Trenet – en public » au Théâtre des Champs-Elysées en 1987 ; « Mon cœur s’envole » en 1992, chez WEA, et « Trenet – le récital 1993/94 » également chez WEA.

Quand à cinq heures tapantes chacun est en place, les musiciens, les techniciens, on vient annoncer que Charles ne viendra pas avant sept heures, celui-ci ayant sans doute voulu profiter du temps radieux pour aller se promener en ville.

En arrivant enfin, il est tout de suite accosté par la secrétaire de Jules Verbeeck, se prosternant littéralement devant lui : « Bonjour Monsieur Trenet ! Vous ne me reconnaissez pas ? »
Non, assurément il ne la reconnaît pas.
« Je suis la secrétaire ! »
Un « Ah oui ! » peu convaincu.


Georges, attentif à tout, s’affaire dans la loge, disposant fauteuils et chaises, et pendant avec soin sur un portemanteau deux complets bleus, tandis que sur le plateau on répète « Le revenant », « Cinq ans de marine » et « Kangourou ». Charles s’en tient là et se retire pour se préparer.

Sa chanson d’entrée sera « Le visage de l’amour », qui fait partie de son répertoire de scène depuis son concert à Nanterre, en juin 1993, et qui fut initialement écrite en 1986 pour Dalida qui l’a créée et enregistrée d’ailleurs.
C’est à Nanterre aussi qu’il adapta pour la première fois une tenue de scène au goût du jour : costume marine, chemise blanche à col ouvert, mocassins blancs, avec toujours l’œillet rouge sur le revers.

Après la représentation, des reporters de la RTB viennent dans la loge pour une interview qui sera diffusée sur radio Bruxelles, le lendemain matin à 11 heures.

Parmi les visiteurs qui patientent dans le couloir des loges, se tient Robert Sprengers (*), auteur d’un essai sur Louis Amade : «  Ton frère le poète », paru en 1968 aux éditions A. Rosseels, et il en a préparé un autre sur l’œuvre de Charles, mais qui n’a apparemment jamais vu le jour…

Charles s’est installé devant sa table de maquillage pour signer des autographes. Sprengers qui est le premier à entrer dans la loge, pose devant lui la dernière réimpression du livre de Richard Cannavo « Monsieur Trenet » qui vient de sortir, en disant :
« C’est moi qui vous ai fourni les photos de « Mes jeunes années »… Vous vous rappelez ? »
(Il parle du livre « Mes jeunes années » rédigé en partie double par Charles et sa mère et paru en 1978 chez Robert Laffont).

Bien sûr que Charles s’en souvient, tout au moins il le dit ; cependant, comme il tient à faire à Sprengers une dédicace personnelle, celui-ci devra lui épeler son nom !

Chenut vient en exhibant un vidéodisque japonais «CHARLE (sans s) TRENET», comportant une douzaine de titres dont Sous le lit de Lily, Le bonheur ne passe qu’une fois, Ma pauvre chanson, Une noix... disque que ni Rozon ni Charles ne semblent connaître et qu’ils examinent avec intérêt “pour les droits”... Chenut ne le connaît pas non plus, du reste, ne possédant pas le lecteur approprié, d’autant que le système, n’ayant jamais percé vraiment, serait voué à l’échec.

Dehors, un minibus du Botanique attend pour reconduire Charles à son hôtel. En partant, il laisse la corbeille de chrysanthèmes offerte par le Botanique, et la gerbe d’œillets cramoisis que la secrétaire de Verbeeck lui a apporté sur la scène à la fin de son concert.

Dès qu’il paraît à la sortie des artistes, des gens excités qui se sont amassés devant, applaudissent en criant « bravo ! ».

Il part finalement, en adressant à la foule son plus aimable sourire.


(*) Docteur en droit, habitant Bruxelles, Robert Sprengers a fait partie du club des Amis de Charles Trenet depuis les années soixante. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises à des spectacles de Charles à Bruxelles, notamment en mars 1969, au Palais des Beaux-Arts, ensuite en 1970, à un gala de la Nuit des Exposants au Centre Rogier.
Il disparaîtrait en mars 1998.



 
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