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LES GRANDS MOMENTS – 10 : CHARLES TRENET AU THÉÂTRE DU ROND-POINT, 29 JUIN 1981
le 10 Déc 2013 - 12:11
Charles et la chanson ... OU, LA CHANSON PERPETUELLE


par Elisabeth Duncker

CHARLES TRENET REVIENDRA UNE SEULE FOIS SUR SCÈNE POUR JEAN-LOUIS BARRAULT…
C'est ce qu'annonçait Jacqueline Cartier le 21 avril 1981 dans "France-Soir".
Non, il ne veut plus chanter en public, mais il fera une exception le 29 juin au Théâtre du Rond-Point, pour l'inauguration d'une "saison en chansons", où il sera présent en spectateur. Et il rompra alors son serment pour venir nous chanter en chair et en os et en yeux bleus une chanson. Ou deux.

Juste deux jours avant, son pianiste Christian Rémy avait été victime d'un accident d'automobile. Cela s'était passé à un carrefour, à trois heures du matin, deux bonnes femmes n'ayant pas respecté le feu rouge, lui étaient rentrées dedans. Elles étaient dans un état bien plus pitoyable que lui qui avait la chance d'avoir bouclé sa ceinture.

N'empêche qu'il avait reçu les éclats de verre du pare-brise en plein visage. Il était à l'Hôtel Dieu, avait l'œil touché et avait été opéré. Lalue le remplacerait…



Dimanche 28 juin, dès mon arrivée à Paris en fin d'après-midi, je me hâtai à l'hôtel Dieu, où Christian était à l'ophtalmologie. Un bandage recouvrait son visage, ne laissant qu'un œil de libre qui s'alluma en me voyant. Ma venue lui faisait visiblement plaisir et aussitôt il se mit à me raconter que la nuit même de son admission à l'hôpital on avait déjà téléphoné.
"Je pissais le sang et l'infirmière-chef est venue me demander si j'avais pensé à relever les chœurs de La mer!"
Ça le faisait rire maintenant.
Sa voiture était bonne pour la ferraille. Il espérait quand même avoir un dédommagement de l'assurance.
"Charles est prévenu?" demandai-je.
- Il doit le savoir maintenant ... Hier, on n'a pas eu de réponse à La Varenne. Il est venu répéter cet après-midi et il paraît qu'il a dit à Jean-Louis Barrault :" C'est bien la dernière fois que je chante à Paris ..."

Le jour suivant, après une nouvelle visite à Christian qui allait mieux et sortirait le lendemain, je me rendis au Théâtre du Rond Point. Derrière stationnaient des fourgons de TF1 qui magnétoscoperait la soirée. Dans la grande salle du théâtre, on répétait. Charles n'était pas là. Déjà la veille il avait déclaré : "Je ne reviendrai pas demain. J'ai répété. "
Sur le plateau, à l'un des deux pianos se tenait Roger Pouly, à l'autre Michel Legrand qui jouait un medley de chansons ayant comme thème Paris : La romance de Paris, Revoir Paris, En avril à Paris ... et comme il ne savait pas les paroles, je pus lui donner un coup de main. Répétèrent ensuite Cabu avec La tarentelle de Caruso, Yves Duteil avec Le serpent python. Sauf Cora Vaucaire qui chanterait Une noix et La vieille, et Annie Duperey : Coin de rue et Vous oubliez votre cheval, personne ne connaissait les paroles des chansons qu'il devait interpréter : Robert Charlebois ne savait pas un mot du Voyage au Canada, tandis que Philippe Val était encore en train de mémoriser La java du diable et Miss Emily.
Le soir, le hall était grouillant de monde et à la caisse on ne vendait plus que des marches. J'avais donné rendez-vous à Pascal Kebaili, un jeune étudiant en droit, que j'avais connu en 1979 lors d'une tournée de Charles en Suisse, mais dans l'affluence à l'entrée je ne l'aperçus pas. Charles arriva dans une toute petite voiture conduite par un homme d'environ trente-huit ans, aux cheveux roux, que l'on me présenterait comme étant le producteur Pierre Guéant. Mais la voiture ne faisait que passer et ne s'arrêtait pas. Cependant, au bout de cinq minutes, elle revenait et se rangeait sur le trottoir. Je sus plus tard qu'au dernier moment Charles avait dit :
"Non, je n'y vais pas !" puis, voyant la foule et la queue devant le théâtre : "Ne t'arrête pas, continue!"
Et Guéant avait fait le tour du théâtre, en se disant: "Bon, je fais le tour et au prochain tour je m'arrête. "




JE ME TROUVE INCONNU


Très élégamment mis dans une veste bordeaux sur pantalon sombre, nœud papillon noir, Charles descendit et s'avança à travers la foule, signant à la volée des autographes. La Marquise venait à sa rencontre, nerveuse, comme si elle craignait de le perdre dans la cohue. Micro au poing, José Artur s'approcha, demandant une interview. "Dans la loge," répondit Charles, où avec José, il eut ce court entretien :
« Charles Trenet, vous êtes arrivé dans la bousculade. Vous avez signé des autographes, vous êtes de très bonne humeur. Les gens ont toujours peur avec vous, ils disent: "Il est cyclothymique ..." Est-ce vrai ou faux, franchement entre nous, est-ce que vous êtes quelqu'un comme ça ? »
- Oh non! je suis comme tout le monde, j'ai mes moments, mais je ne pense pas que je sois complètement cyclothymique. J'arrive à équilibrer une vie entre l'ordre et la fantaisie. J'ai remarqué qu'il y a des gens qui ont de l'ordre et pas de fantaisie et des gens qui ont de la fantaisie et pas d'ordre ...
- Un hommage, ça doit être un peu impressionnant, agaçant et en même temps très touchant ...
- Voilà, vous l'avez dit. C'est vrai. C'est quelque chose évidemment de grisant et qui me fiche le trac, parce que tout ce monde va chanter mes chansons et ils vont les chanter avec un charme tout à fait particulier. Et peut-être que je vais découvrir maintenant une autre sonorité à mes chansons, et peut-être même un autre sens. Parce que vous savez, un auteur écrit une chanson, le public en entend une autre, c'est tout à fait différent. Je n'ai jamais eu une chanson qui fasse exactement le succès que j'aurais voulu. Car, qu'est-ce qu'on connaît de moi, on connaît L'âme des poètes, on connaît La mer, Que reste-t-il de nos amours et tout ça. Mais il y a des tas de chansons que j'ai faites, il y en a bien trois cents, qui ne sont pas connues du tout. Moi, je me trouve inconnu ...



UNE PETITE FÊTE DE FAMILLE


La salle à près de 900 places (à l'époque), était pleine comme un œuf, les gens étaient assis partout, par terre, dans les allées. Tandis que Roger Pouly et Michel Legrand attaquaient un pot-pourri, on ovationna Charles qui entrait dans la salle, où il alla s'asseoir au troisième rang, à côté de la Marquise.

Jean-Louis Barrault prononça ce petit compliment :
" Monsieur, vous allez bien confondre nos cœurs. Nous vous appelons Charles Trenet, notre Charles Trenet. Vous ne nous appartenez pas, mais nous sommes bien obligés de vous partager avec le monde entier. Car partout il y a un être humain qui a dans son cœur une chanson de Charles Trenet. Shakespeare, dit-on, a peint 750 personnages. Vous en avez bien dessiné autant, peut-être davantage, parce que vous faites personnages de tout, de tous les humains, des marquises, des gendarmes, des facteurs, des caissières, des surhumains, des nains, des fantômes, des bêtes à bon Dieu, des animaux, des mouches, des chats, des souris, des canards qui parlent anglais ... ; des choses même, des pantoufles de grand-mère, des bidons de lait, des pianos de la plage, et vous nous dressez ces décors avec des jardins extraordinaires, ces campagnes où les fleurs parlent, où le ciel a leur langage. Jean Cocteau écrivait: Tout bégayait, tout traînait, plus rien ne traîne et tout parle, c'est grâce aux chansons de Charles Trenet. Ce soir nous sommes sincèrement émus, car nous allons vous offrir une petite fête de famille ..."


Et bientôt on fut tous sous le charme de ses chansons interprétées par d'autres, malgré les petites erreurs, les accrocs et les lacunes dans les textes.
Et Claude Nougaro qui au moment d'attaquer Que reste-t-il de nos amours, semblait avoir perdu son pianiste, s'exclamant paniqué :
"Bernard! Où es-tu ? Oh là, là ! Quelle angoisse !"
... et ce fut Michel Legrand qui se précipita, prenant agilement sa place; tout cela sous les yeux et les oreilles d'un public émerveillé.

Il n'y avait pas d'entracte. Après avoir interprété à sa façon Papa pique et maman coud, Jean-Louis Barrault descendait dans la salle pour faire monter Charles sur le plateau, acclamé par un public déjà un peu gris d'avoir goûté à ses airs vifs, et quelle leçon donnait-il là à tous ceux qui l'avaient précédé !

En quelques chansons il a effacé, annulé, anéanti tous les autres, formidable de vérité, de clins d'œil, d'émotion et d'intelligence ... écrirait le lendemain Michèle Dokan dans "France-Soir".
C'est vrai qu'il n'avait qu'à entrer en scène et l'affaire était dans le sac : Débit de l'eau débit de lait, Le soleil et la lune, Mamzelle Clio, La polka du roi ...

Avec La mer, il y eut ce petit incident amusant, commenté par José Artur plus tard dans la soirée :
"Au refrain, à un moment, il a pris son micro comme un micro baladeur et puis il l'a arraché, il l'a débranché et il s'est trouvé sans voix. Il y avait les chœurs derrière. Mais le grand professionnel qu'il est, il a simplement, calmement dit : "On recommence ... " Il a rebranché son micro et il a repris la phrase comme dans un studio d'enregistrement, car il savait que nos amis de TF1 étaient là, il savait que j'enregistrais le spectacle et il s'est dit : "Ils copient et ils filment, on va pouvoir faire une coupure et le refaire ... "


UN SOUVENIR INOUBLIABLE


Il cassait la baraque. Le public trépignant de joie, s'extasia, se récria, les bravos roulèrent comme un orage et pendant plusieurs minutes, la salle, debout, en délire, l'acclama, des bras tendus s'agitèrent frénétiquement et il dut donner encore un extra: Y a d'la joie, puis, entouré de tous ceux qui avaient collaboré à la soirée, il déclara, ému : Mesdames, messieurs, cette soirée restera pour moi un souvenir inoubliable; je remercie tous les artistes qui ont participé à ce spectacle; cela m'a enchanté et je les remercie très profondément de mon cœur de troubadour ... Et naturellement le plus grand merci, le plus chaleureux, à Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud. Quelle belle soirée ! On s'éclatait.


UNE BOUFFÉE D'AIR PUR AVEC JOSÉ ARTUR


Prenez une bouffée d'air pur
Ecoutez José Artur,
Des mots trempés d'arséniure
Ecoutez José Artur…

Extrait de l'indicatif du Pop-Club, interprété par José Artur lui-même !
Et cela se prolongeait, car José Artur était là avec son Pop-Club qui passait en direct à l'antenne de France Inter, et que l'on avait installé en bas de l'escalier dans un coin du bar, avec des micros, des magnétophones, des tourne-disques. Et tout en sablant le champagne, on écoutait des extraits de la soirée, que l'on repassait, car on avait copié des bobineaux.




José Artur :
- Nous sommes ici au Théâtre du Rond-Point où on vient d'assister – et vous allez l'entendre – à un véritable triomphe, il n'y a pas d'autre mot, mais un délire que je n'en ai rarement vu un pareil ; c'est un hommage à Charles Trenet, et un hommage vivant, et qu'est-ce qu'il y a de plus beau au monde ? Charles nous a promis de venir, je ne sais pas s'il viendra, il vient de subir une émotion extraordinaire, vous verrez, vous entendrez. Il y avait tous les amis qui étaient là, il y avait Claude Nougaro, Robert Charlebois, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault évidemment, Michel Legrand, Jean-Jacques Debout, Cora Vaucaire, Yves Duteil, Philippe Val, Cabu, Annie Duperey, Wassaburo Fukuda, Dominique Santarelli, des gens qui faisaient un acte d'amour. Il y aura des petites erreurs, on accroche, on se plante, on reprend, mais c'est la plus belle fête de famille à laquelle on pouvait assister.


Je fus écrasée par les photographes, cependant je parvins à arriver devant la table où José Artur était en train de bavarder avec Michel Legrand, Claude Nougaro et Robert Charlebois.

José Artur :
- Claude Nougaro, prenez un micro dans la main, on va bien situer l'atmosphère. Pour ce soir vous aviez plus ou moins répété - je sais que Robert Charlebois fredonne, que Cabu se chante à la ville tous les airs de Trenet, mais vous par exemple, Claude Nougaro, cette chanson" : Que reste-t-il de nos amours:" , vous avez décidé de l'apprendre pour cette soirée exceptionnelle ou vous la fredonniez dans votre baignoire déjà ?

Claude Nougaro :
- Non, non, ça ne s'est pas passé comme ça. J'avais à choisir entre" : Douce France:" que j'aime beaucoup, qui fait partie de mon enfance et de ma culture, et puis il y avait donc" : Que reste-t-il de nos amours:" , avec un pianiste qui se faisait attendre. Je ne sais pas ce qui s'est passé, il s'était perdu dans les dédales d'un théâtre qu'il ne connaissait pas. Heureusement il y avait Michel Legrand…

José :
- On va écouter des choses, j'ai copié pour les auditeurs de France Inter des bobineaux, on va entendre Claude Nougaro, il avait peut-être un peu à meubler, car c'était le moment où on ne trouvait pas son pianiste. Il y a Michel Legrand qui s'approche en remplacement, un bon produit de remplacement. On ne va pas dire, parce que ce serait méchant, qu'il avait gagné au change - Vous aviez la trouille, hein ?

Claude Nougaro :
- Ah oui: ! Je me sentais comme un élève qui a appris sa leçon par cœur… Devant Trenet lui-même, il y avait une grande émotion…

José :
- On va écouter" : Que reste-t-il de nos amours:" par Claude Nougaro, en direct, en différé d'une heure… Michel Legrand vient de s'asseoir à la table. Vous deviez aussi avoir le trac car vous ouvriez le torchon avec" Verlaine" . Vous êtes un immense musicien. Je ne veux pas vous flatter, vous avez tout ça dans l'oreille, vous adorez Trenet, donc ça se passe très bien, mais quand même. Comment fait-on pour aider l'interprète en désarroi ?

Michel Legrand :
- On tend ses oreilles, on agrandit ses oreilles énormément et puis on regarde. Et puis on est tendu, on multiplie par cent mille son attention et puis les doigts courent et le cœur passe…, et la musique vient, quoi…

José :
- Je dois dire que j'avais les larmes dans les yeux. J'ai rarement vu un triomphe pareil. Robert Charlebois disait quelque chose de très beau. Il disait que Charles Trenet, c'est Molière…

Robert Charlebois :
- Nougaro disait que c'était Mozart, mais moi je pense que c'est Mozart doublé de Molière, comme expression, les grimaces, les mimiques, et comme chaleur sur une scène - c'est d'une finesse… J'ai pleuré pendant" : L'âme des poètes:" , j'ai ri comme un fou pendant le" : Débit de l'eau:" que je connaissais mal finalement…

José :
- Je ne quittais pas des yeux tous les gens qui avaient moins de 25 ans, qui étaient autour de moi et c'est étonnant de voir des mômes – il y avait un petit garçon qui devait avoir 10 ans, sur les genoux de son père, qui découvrait un monsieur qu'il, à un moment donné, prenait pour un clown et il riait aux larmes. Et puis on voyait des garçons et des filles de 16, 17, 20 ans qui découvraient un des interprètes le plus jeune de la chanson…

Claude Nougaro :
- … Et un comédien génial aussi.




Et Dominique Santarelli déclarerait plus tard :
- J'ai vu un très grand interprète en scène, avec une sobriété – même dans "La polka du roi », où il s'amuse et où il fait rire. Il est étonnant, parce qu'il a simplifié le geste et arrive à ce génie de grands interprètes de tous les temps et de tous les âges, de toutes les disciplines – c'est qu'avec un minimum il arrive à faire une grande interprétation.

A un homme à moustaches, une sorte de coordinateur, qui se tenait à côté de moi, je demandai si Charles allait venir, car peut-être étions-nous là à attendre vainement et était-il parti depuis longtemps ? "Je ne sais pas. Je pense ... " "Comme ça, je n'aurai pas fait cinq cents kilomètres pour rien," chuchotai-je à Pascal qui, malgré la foule, avait réussi à me rejoindre. Je vis le moustachu se pencher vers José Artur en lui glissant quelque chose à l'oreille ; sur quoi José me jeta un coup d'œil rapide, aussitôt détourné. A ce moment, on s'agita, il y eut de nouvelles poussées et un murmure : "Le voilà ... " Charles descendait l'escalier, promenant son sourire sur toute la compagnie. Il avait revêtu un polo vert bouteille et se fraya un passage jusqu'à José, où il prit place.


José :
- Charles Trenet, on vient de renverser un verre de champagne, c'est donc bon signe en plus… Tout à l'heure, quand on s'est parlé un petit peu dans la loge avant, vous m'avez di t: "S'ils m'aiment un peu, je leur en chante deux, s'ils m'aiment beaucoup, je leur en chante neuf. " Vous en avez chanté onze ... Je dois dire que ce soir j'ai rarement vu un triomphe pareil, j'ai été touché physiquement aux larmes par l'accueil que vous ont fait les spectateurs.

Charles :
- Ce soir, il y avait une atmosphère particulière, peu coutumière. C'était tellement bien agencé, tous les textes qu'ont dits Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud étaient charmants et tous les jeunes chanteurs qui étaient là ... Je trouve que cela donnait à mes chansons une autre couleur, une couleur qui leur va bien. C'est extraordinaire et je vais vous paraître un peu prétentieux, mais j'avais l'impression que ce n'était pas de moi du tout, que c'était d'autres auteurs et alors j'ai applaudi de tout mon cœur ... Nougaro était merveilleux et Yves Duteil aussi. Quand je pense que Charlebois a chanté" : Le voyage au Canada:" et que quand j'ai crée cette chanson au Canada, il devait être certainement en maillot, il devait avoir 2 ou 3 ans.

- J'avais 5 ans. Quand j'ai décidé de chanter" Le voyage au Canada » j'ai été séduit par le titre, cette chanson qui est quand même assez difficile à chanter, je l'ai chantée devant mon fils qui a 3 ans …

Charles :
- Vous savez comment l'idée m'en est venue: ? C'est que je devais faire une tournée au Canada et mon impresario me dit :" Pour le voyage nous irons à Toronto en auto. » Alors je répondis : - Et à Montréal à cheval: ? " Non, non, non, on ira en auto aussi ! …" Il ne marchait pas du tout !

José :
Ça c'est très drôle, parce qu'il y a des chansons qui démarrent comme ça.

Charles :
-Oui, j'ai fait la chanson tout de suite: !

José :
- On va donner un micro à Annie Duperey. Je pense qu'elle m'a appris ce soir qu'elle savait chanter en soliste, mais en entendant qu'elle allait chanter deux chansons de Trenet, j'étais effaré et j'ai pensé :" Qu'est-ce qu'elle va faire – elle va chanter Coin de rue et Vous oubliez votre cheval ! Vous aviez la pétoche un petit peu ?

Annie Duperey :
- Oui, c'était terrifiant: ! J'aime beaucoup Charles et quand j'ai entendu qu'il y avait un soir en hommage à Charles Trenet, je me suis dit :" Je veux faire quelque chose" et c'est parti comme ça.

Charles :
- C'était génial. En plus que c'est très difficile à chanter pour une femme parce qu'elle ne peut pas se transformer en vieux jockey !

Entre-temps, on se bousculait pour lui faire signer des albums de chez Raoul Breton, que l'on avait vendus dans l'entrée. Pascal lui avait donné le sien et était ravi et très fier que Charles sût encore son nom de famille : " Sans fautes, hein, quelle mémoire ! "

José :
…Vraiment, il y a un climat ce soir tout à fait particulier. Charles Trenet qui est la gentillesse même, signe, dédicace. Mais vraiment il y a quelque chose qui se passe, et entre autres il y a une dame qui est en face, là, je la vois, elle vous mange des yeux, Charles, et je sais qu'elle a fait cinq cents kilomètres pour venir vous voir, la dame qui est en vert ...

Charles :
- Oui, oui, je sais comment elle s'appelle ; elle s'appelle Elisabeth, cette dame! ... et des éclats de rire de toutes parts saluèrent ses dernières paroles.


Sur le coup de minuit, au moment où José Artur allait entamer la deuxième heure de son Pop-Club, Charles partait et, littéralement porté par la foule, traversait le foyer où Jacques Higelin était en train de chanter ses chansons, avec autour de son piano, un groupe de jeunes. Bien qu'annoncé, il n'avait pas participé au spectacle. Sachant que Charles était dans la salle, une telle peur s'était emparée de lui qu'il n'avait pu chanter. Avec lui, Charles entonna Moi, j'aime le music-hall que tout le monde reprit en chœur.




Dehors, on parlementait avec Jean-Jacques Debout sur ce qu'ils allaient faire. "Chez Régine ? Mais peut-être il n'y a pas de place ... "
Charles, déjà près de sa petite voiture : « Et chez B ... (un nom que je n'ai pas retenu) on vous fout à la porte à une heure ... Moi, je rentre ... "
Devant la portière encore ouverte, je pris congé de lui en lui disant que j'étais allée voir Christian à l'hôpital.
" Comment va-t-il ? demanda-t-il avec un intérêt très vif. Il a toujours son pansement ? " - Bien sûr ! Mais il va bien. Il sort demain ...
" Bon, alors ce n'est plus la peine d'y aller puisqu'il sort demain. J'irai dans le centre de la France et il y va aussi. Donc je le verrai là-bas ... "
C'est de Blois qu'il parlait, où il irait, en octobre, pour le festival "Littérature et Chanson du Loir-et-Cher".


LA NOSTALGIE DE MON ENFANCE
par Wasaburo Fukuda.


Il y a longtemps, je croyais que" La mer » était une chanson japonaise. Je ne me souviens plus quand et comment j'ai connu cette chanson. Pourtant, je me rappelle l'avoir entendue plusieurs fois chanter en japonais à la radio. A chaque fois que je l'entendais, j'avais l'impression de voir passer devant mes yeux des oiseaux blancs, d'entendre la rumeur des flots et que ma tête était inondée par la mer immense et bleue. J'avais douze ans quand, un jour d'été, je fis une excursion au bord de la mer avec mon école et, dans le car, sur le chemin du retour, tous les élèves eurent à chanter à tour de rôle leur chanson préférée. Lorsque mon tour fut venu, mon esprit vagabondait encore à la plage avec le bleu de la mer et la vague qui scintille sous le soleil, tout ce que je venais de voir restait gravé dans ma mémoire: : alors je chantai" : La mer:" en japonais. Quelques années plus tard, je trouvais chez un ami un vieux disque et je fus vraiment étonné par" La mer » interprétée par Charles Trenet. C'est ainsi que j'entendis ce chanteur pour la première fois et qu'en même temps je découvris que
"La mer" était une chanson française et qu'il existait au Japon beaucoup de chansons de Trenet traduites et chantées en japonais: " L'âme des poètes", « Boum", « Le voyage au Canada", « Coin de rue »…
C'est de cette manière que j'ai été amené à m'intéresser à la chanson française et m'a déterminé à prendre le chemin de l'interprète pour chanter des œuvres françaises dans leur langue originale, chose très rare au Japon.
Quand j'ai appris que je pourrais rendre hommage à Charles Trenet au théâtre du Rond-Point, j'eus envie de chanter la version japonaise de
"La mer » en souvenir de mon enfance.
Ce soir-là, quand j'eus fini d'interpréter cette chanson, j'eus l'impression comme autrefois d'entendre au loin le bruit de la mer et mon cœur s'emplit de la nostalgie de mon enfance.



UN DÉLIRE DE LIBERTÉ


En plus des échos de cette soirée mémorable du Rond-Point sur France Inter dans le Magazine de Pierre Bouteiller et dans « Spectacles Inte » de Dominique Guillot, il y avait ceux de la presse :


Claude Fléouter dans" Le Monde » :
Saisies d'un délire de liberté, les chansons de Charles Trenet ont échappé au temps. Elles n'ont pas vieilli, elles éclatent toujours de joie. Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud ont magnifiquement rendu hommage à Trenet, en lui consacrant une soirée avec la complicité de quelques-uns de ceux qui ont été nourris par les couplets de l'ex Fou-chantant : Jean-Jacques Debout, Robert Charlebois, Cora Vaucaire, Claude Nougaro, Michel Legrand, Cabu, Anny Duperey, Philippe Val avec son irrésistible chien Jeff ... qui étaient tous heureux de se plonger dans le monde merveilleux de l'auteur de Y a d'la joie et de chanter un ou deux de ses refrains.
Jean- Louis Barrault et Madeleine Renaud ont déroulé eux-mêmes le fil rouge de la soirée en reprenant quelques pages des Jeunes Années du chanteur évoquées par lui-même et sa mère dans un livre récemment paru.
(Sic. NDLA : en 1978).




CHARLES TRENET OU LA CHANSON PERPÉTUELLE
Marie-Noëlle Tranchant dans " Le Figaro » :


Une vibrante soirée d'hommage qui a pris la forme sans apprêt d'une "petite fête de famille" comme l'a dit Jean-Louis Barrault, chaleureuse et improvisée. Charles Trenet a dû être touché de se voir le point de rencontre de talents aussi divers: leur variété montrait avec éclat la richesse poétique rythmique, vocale de son œuvre. Et sa modernité. Charles Trenet a inventé la chanson perpétuelle.




CHAPEAU M. TRENET
Catherine Couty dans" Le Parisien » :


A cette soirée exceptionnelle à plus d'un titre, se mêlaient l'honneur, la joie, la crainte, la spontanéité, l'enthousiasme de tous ceux qui allaient passer devant une salle comble un redoutable examen: chanter en sa présence son répertoire. Victimes d'un effroyable trac, ils égarèrent quelques mots, mais se rattrapèrent avec humour. Autant d'interprétations remarquables parce que sincères et chaleureuses. Enfin, attendu, fêté par tous vint Charles Trenet, accueilli par un tonnerre d'applaudissements. La minute était impressionnante.
Trenet sur scène, c'est un tout somptueux. Un poète, un interprète, un mime, un clown, un tendre. Sa jeunesse éclate. Il danse, accompagnant ses textes de mille gestes aériens. Il veut disparaître, ce sont les rappels fracassants, continus d'une salle debout qui dit et redit tout le bonheur qu'elle a reçu ...



HOMMAGE À CHARLES TRENET
Jacques Erwan dans " Paroles et Musique" No. 12, septembre 1981.


Charles Trenet n'avait pas chanté à Paris depuis ses adieux à l'Olympia ; c'était voici plusieurs années. La compagnie Renaud-Barrault a eu la bonne idée d'ouvrir son "Rond-Point de la Chanson", le 29 juin, en lui rendant un hommage auquel il accepta de participer. Le public, impatient, était à la fête. Disséminés dans les premiers rangs du parterre, une pléiade de chanteurs s'apprêtaient à chanter.
A l'appel de Jean-Louis Barrault, ils se levaient, montaient sur scène, interprétaient une chanson de Trenet et venaient se rasseoir. Assis dans l'une des premières travées, Charles Trenet écoutait avec joie et émotion. Puis, sous les acclamations du public, il gagna la scène pour interpréter une douzaine de ses chansons.
Physiquement quelque peu vieilli, il fut, une fois sur les planches, comme par magie métamorphosé et se révéla débordant de vitalité et époustouflant de savoir-faire. Drôle et pathétique à la fois, il a le don, grâce à sa voix très belle, sa sensibilité peu commune et sa gestuelle très efficace, d'emporter son auditoire, bon gré, mal gré, au cœur de son étrange univers clair-obscur, de l'émouvoir, de le bouleverser.
A l'issue de ce récital qui fera date, ce n'est qu'à regret que le public, au comble de l'émotion et qui applaudit debout pendant de longs moments, laissa Trenet regagner sa loge. Avec sans doute le secret espoir de le retrouver prochainement.


Et le commentaire de José Artur en terminant son Pop-Club :
"Charles Trenet, il va falloir le guérir de sa promesse dont il est un peu prisonnier. Il a fait des adieux, il avait dit qu'il allait se retirer. Il a l'impression de se renier s'il remonte sur scène. Il s'est trop engagé dans sa semi-retraite.
" Si je reviens, m'a-t-il dit hors micro, j'aurais l'air de faire des adieux à répétition ..."
On devrait tous le lui dire ou écrire pour qu'il revienne sur sa décision et qu'il fasse un Olympia ou un Bobino très proche, parce que quand on a cette technique, cette qualité d'interprète, en plus du poète et du musicien, c'est dommage de garder ça pour soi ..."


Ce serait un mois après que je reçus la cassette de cette fameuse soirée du Rond-Point, que l'équipe de José Artur eut la gentillesse de me faire parvenir.





<JOSE ARTUR :
Grand homme de radio, José Artur est né le 20 mai 1927.
Il fut d’abord comédien au cinéma dans des rôles secondaires (1946-1994) puis au théâtre (1948-50) avant de devenir, à partir d'octobre 1965, présentateur sur France Inter du "Pop-Club".
L’émission sera diffusée jusqu'en 2005, chaque soirs en direct de 22h à 24h, depuis le « Bar Noir » de la Maison de la Radio, puis du Fouquet's.


José Artur anima également d’autres émissions :
- Qu'il est doux de ne rien faire (1970 – 1973)
- A qui ai-je l'honneur ? (1984)
- C'est pas dramatique (1996 – 2007)

Et à la télévision :
- Pleins feux (1983).





LIRE PROCHAINEMENT :
POUR UN JUBILÉ EN CHANSON - GENTLEMAN TRENET
GALA MUMM 1987





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LES GRANDS MOMENTS – 10 : CHARLES TRENET AU THÉÂTRE DU ROND-POINT, 29 JUIN 1981 | Connexion/Créer un compte | 0 Commentaires
  
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