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Ce printemps 1913 est particulièrement maussade. Depuis plusieurs jours, un vent furieux jette les arbres dans les rivières sauvages qui sortent de leur lit, innondent tout.
Dans l'Aude, les vignes se noient. Un désastre. Les vignerons sont mécontents. Déjà, en 1907, ils s'étaient révoltés car, après le phylloxera, les vins du pays se vendaient mal. Pour calmer les rebelles, la troupe avait même dû intervenir à Narbonne.
En ce 18 mai 1913, bercée par la léthargie provinciale d'un dimanche grisâtre, la ville est plus calme. L'après-midi, les familles, corsetées, chapeautées, cravatées, déambuleront sur le Cours, au bord du canal de la Robine, le long des avenue bordées de platanes. Comme tous les dimanches, à Narbonne, les enfants s'ennuient le dimanche...
Il est 11 heures, Marie-Louise Caussat, la jeune épouse du notaire de Saint Chinian entre dans la vieille église Saint Paul-Serge. Vingt et un ans et déjà maman d'un petit Antoine de 3 ans, Marie-Louise attend un heureux événement. Et c'est pour bientôt !
La messe s'achève. Il pleut des cordes. La jeune femme, enceinte jusqu'aux yeux, se réfugie dans la maison de son père, Auguste, qui fabrique des tonneaux pour le vin omniprésent dans la région. La maison paternelle, c'est une grosse bâtisse, pas loin de la gare de Narbonne, tout près de la passerelle qui enjambe le chemin de fer.
A 15 heures, un gros bébé joufflu et blond pousse son premier cri, ses premières larmes. C'est dit, on l'appellera "Louis - Charles - Auguste - Claude". Quatre prénoms, c'est beaucoup ! Il faut bien ménager les susceptibilités familiales. Plus tard, on l'appellera "Charles", tout simplement, comme son grand oncle.
1913, l'euphorie de cette "Belle Epoque" lumineuse et illusoire s'achève au lendemain d'un naufrage, celui du Titanic. Une vague surgie des bas-fonds de Buenos Aires déferle sur Paris : le tango. Les journaux parlent de misères, de violences, de grèves. Au loin déjà, des tambours guerriers grondent.
Un écrivain prolixe, Marcel Proust, publie le premier volume d'A la Recheche du Temps Perdu. Un autre grand de ce siècle vient de voir le jour dans cet après-midi sans soleil. C'est l'aube d'un temps nouveau...
A suivre ...
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