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par Florian Zenoni
Ce 3 mars 2003, il y a exactement 20 ans que Georges Remy, mieux connu sous le nom d'Hergé, tournait définitivement la page. Du coup, mon célèbre compatriote Tintin, le vaillant reporter belge, se retrouvait définitivement orphelin. L'article de Florian, notre correspondant italien, arrive donc à pic... puisqu'il nous montre comment les (grands) auteurs de bandes dessinées ont rendu hommage à l'oeuvre de Charles Trenet. Feuilletons ensemble ces clins d'yeux qui pétillent dans leurs bulles, grâce à Florian qui nous précise qu'il n'a eu aucune prétention exhaustive...
Que Charles Trenet ait profondément influencé la chanson française, cela était clair depuis longtemps. Richard Cannavo, dans son excellente biographie du Fou Chantant (« Monsieur Trenet » chez Plon), exprime cette idée en énonçant une image très élégante à mon goût : non seulement Trenet a été la source de la chanson française, mais il en est aussi le fleuve tout entier. On ne compte plus les hommages au Poète Ailé, et les citations qui traversent la chanson française, sans parler des influences, qu’elles soient involontaires ou non, sont innombrables.
Ce qu’on l’ignore peut-être, c’est que même le « neuvième art », autrement dit, la bande dessinée, a maintes fois manifesté son admiration pour Trenet, de manière plutôt discrète, il est vrai, mais de façon très présente.
C’est probablement Astérix qui remporterait la palme du plus grand nombre d’hommages à Trenet. Suivent Tintin et autres Boule et Bill. En particulier, Astérix offre une multitude d’allusions à des airs connus, qui vont de J’ai deux amours de Joséphine Baker, à l’Air des Bijoux de Faust. Astérix est une BD fondamentalement française qui reflète les coutumes, les habitudes et les défauts du peuple français. Il est peut-être révélateur d’observer combien la chanson est présente dans l’œuvre de Uderzo et Goscinny ; cela indique assurément la place de première ordre qu’occupe la musique populaire dans la culture francophone et sans doute même sa richesse (bien que ce dernier point aigrit d’année en année. Déjà Jules Renard affirmait dans son Journal : « La musique : quand on joue assez fort ou assez doucement, le public applaudit. Ce qu’il peut y avoir d’imbéciles en musique ! »).
Non seulement, mais ces nombreuses citations nous font comprendre, quoiqu’on en dise, combien les chansons de Charles Trenet sont enracinées dans la culture francophone, et sont quasi symptomatiques de cette dernière.
En bande dessinée, une citation comporte le plus souvent la représentation du héros, fredonnant une chanson qui s’adapte à la situation courante.
C’est ainsi que, quand le cocker Bill, qui, contrairement à son maître Boule, obtient un passage en auto-stop, il pense (évidemment, car les chiens ne parlent pas !) A la porte du garage ! (60 gags de Boule et Bill n°1 – 1962)
Dans Astérix, les citations peuvent être regroupées en deux groupes. Dans le premier cas les chansons ont été « acclimatées » à l’an 50 av. J.C. Sinon, elles sont évoquées grâce à des jeux de mots.
Par exemple, dans Astérix et la Serpe D’or (1962), on peut voir Obélix occupé à tailler un menhir tout en chantonnant « Douce Gaule… ». Bien évidemment, le scénariste a remplacé « France » par son ancien nom, en s’inspirant de la célèbre Douce France.
Dans Astérix chez les Goths (1963), nous assistons à une patrouille de soldats Goths qui chante : «Sur toutes les routes il y a des cailloux ! Il y a des cailloux sur toutes les routes ! » Un air inspir, bien sûr, de La marche des jeunes.
Dans le même album, un autre hommage : le druide Panoramix chante : Revoir Lutèce…Lutèce a pris la place de Paris dans Revoir Paris.
Dans Astérix gladiateur (1964), le barde Assurancetourix chante Menhir Montant, mais oui madame… dans son cachot à Rome. Il s’agit d’un jeu de mots entre Ménilmontant, quartier de Paris et chanson de Trenet, et Menhir Montant.
C’est dans Astérix et les Normands (1967) que l’on découvre qu' Assurancetourix chante (faux, bien entendu !) une version revue et corrigée de Un rien me fait chanter.
Un sympathique hommage à Je chante dans Astérix chez les Belges (1979).
Encore un hommage à La marche des jeunes, toujours dans Astérix chez les Belges.
Il y a deux citations de chansons de Charles Trenet dans l’album Astérix chez Rahãzade (1987). Cette album fait partie de la nouvelle série, dans laquelle, après la disparition du grand Goscinny, Uderzo assure le scénario et le dessin. Certains de ces albums sont convaincants, d’autres moins, d’autres carrément viciés (tel le dernier paru : Astérix et Latraviata).
La première citation est de Il pleut dans ma chambre, ayant encore une fois pour interprète le barde Assurancetourix.
La seconde de La mer.
Passons maintenant à un autre « grand » de la bande dessinée : Tintin. L’auteur des aventures de Tintin et Milou, c' est Hergé, bien sûr, qui a cité à deux reprises Charles Trenet dans son œuvre. Hergé n’avait pas l’habitude de remplir ses BD d’extraits musicaux, comme c’est le cas pour Astérix ; c’est donc d’avantage un honneur pour Charles Trenet d’avoir été le seul chanteur choisi, par un autre artiste, pour faire partie d’un ouvrage qui résistera probablement au temps.
Dans Le Temple du Soleil (1949), le capitaine Haddock, bien content d’avoir été sauvé d’une mort certaine par une fortuite éclipse de soleil, se met à chanter à tue-tête La soleil a rendez-vous avec la lune.
Pour finir, une scène très amusante ayant pour vedettes les Dupondt, présente dans l’album Tintin au Pays de l’Or Noir (1950). Roulant joyeusement en voiture, ils décident d’allumer la radio, et voilà qu’ils se mettent à chanter une version quelque peu modifiée de Boum ! ! Et c’est alors que leur véhicule explose véritablement !
Il est intéressant de remarquer que beaucoup de ces hommages ont été faits pendant les années soixante, une période qui a bel et bien été pénible pour Charles ; c’est bien la preuve que, malgré tout, le Fou Chantant, à l’époque, est resté ancré dans les mémoires, résistant même aux « yé-yé » et aux circonstances pour lui les moins heureuses. Je crois que ce genre de chose pourrait difficilement se reproduire aujourd'hui. C’est bien là le signe d’une oeuvre extraordinaire.
En conclusion, les multiples hommages ci-dessus démontrent, de façon particulière aux jeunes générations, que Charles Trenet, quoiqu’il arrive, a toujours été considéré comme une référence dans la domaine de la culture francophone, même par les plus grands. C’est à mon avis quelque chose que devraientt méditer les fans des « star-académyciens » et autres « chanteurs-d’un-jour ».
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CHARLES ET LA BANDE DESSINEE | Connexion/Créer un compte | 4 Commentaires |
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