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par Hélène Hazera (Abeille Musique)
Le 27 mai prochain, un événement réjouira tous les fous du Fou Chantant : Abeille Musique et l'INA sortiront un CD inédit. Ce disque est d'ores et déjà disponible à l'achat sur les sites web marchands tels qu'Amazon.fr ou Fnac.com.
Nous sommes tous dans l'attente de la sortie du CD des oeuvres posthumes de Charles, toujours inédites à ce jour... et promises de longue date. Alors, pourquoi bouder notre plaisir ? Peut-être ce CD nous permettra-t-il de patienter... en attendant, qui sait, un coffret DVD qui, à l'instar de ce qui existe aujourd'hui pour Brel, Brassens et beaucoup d'autres grands de la chanson, nous proposera ces émissions TV qui somnolent encore dans les archives des télévisions francophones ?
Alors, pour patienter, lisons la présentation de cet album par Hélène Hazera d'Abeille Musique.
Revoir Paris démarrait le plus souvent les récitals de Trenet en région parisienne (en province, Trénet la chantait plus tard). Elle date de son premier retour du Québec, en 1947. L’auditeur attentif remarquera que, tout au long de ce concert de La Varenne, le pianiste (que Trenet ne nomme pas sur la bande, pas plus que la fiche d’écoute de l’époque ne le mentionne, sans doute Albert Lasry qui dirige également son orchestre à l’époque), pendant les applaudissements, lui souffle quelques notes de la chanson qui suit, peut-être pour lui rafraîchir la mémoire, peut-être pour lui “ donner la note ”. Boum (1938) est un grand succès de l’avant guerre, au point que les chansonniers en firent une version politique avec le nom du président du conseil du Front Populaire, Blum, quand mon coeur fait Blum. L’interprétation de Boum semble ici un peu relâchée. Est-ce que Trenet en a assez de la chanter, est-ce qu’elle nécessite d’être placée plus loin dans le récital - car il faut être déjà “ chauffé ” pour l’interpréter - ou lui manque-t-il un accompagnement orchestré, comme celui de Wal-Berg pour la création au disque ? On a l’impression que Trenet s’en débarrasse.
Pour Débit de l’eau, débit de lait (1943), Trenet se fend d’une longue introduction, histoire de donner un brin de réalisme à ce pur exercice d’assonances et de non-sens. Il oublie néanmoins de signaler que l’humoriste Francis Blanche, pas encore roi du canular téléphonique, est co-auteur de ce petit chef-d’oeuvre (qui permet de vérifier la sûreté de la diction de Trenet, tant les accumulations de “ b ”, de “ d ” et de “ l ” rend la petite chanson périlleuse).
De la cocasserie la plus débridée on passe à la pure poésie : seul à son piano, au milieu d’amis et de voisins, Trenet n’a jamais aussi bien chanté L’Âme des poètes (1951), qui est l’une des plus belles chansons écrites sur la chanson, sur la force de la mémoire et celle de l’oubli qui menace cette discipline populaire. La petite ritournelle entre les couplets a été trouvée par Norbert Glanzberg (l’auteur, entre autres succès, de Padam, Padam) lors d’une tournée où il accompagnait Trenet au piano, mais il ne fut jamais crédité. Avec Mam’zelle Clio (1939), partie de son répertoire d’avant-guerre, Trénet fait le pont avec Dans les pharmacies (1952), une chanson inspirée par les drugstores de la Belle province (on ne disait pas encore Québec). Trenet la débite à toute blinde.
Curieusement, l’un des grands moments de ce récital n’est pas une chanson de Trenet. C’est une charge contre un grand classique et un chef d’oeuvre de la chanson française, Les Bœufs (J’ai deux grands boeufs dans mon étable ), signée en 1845 par Pierre Dupont (1821-1870), ami de Charles Baudelaire et auteur du Chant des ouvriers (Buvons à l’indépendance du monde), ici déplacé sur l’“ Air de la Calomnie ” de Rossini. Trenet se moque en même temps d‘une chanson typique du répertoire de fin de banquet et des travers de certains chanteurs lyriques. Une joyeuse entreprise de démolition pour le plus grand plaisir de ses auditeurs. Le tumulte est tel dans le cinéma de La Varenne que la bande s’interrompt. C’est sans doute là que se situe le coup de ciseau regrettable qui nous prive de deux ou trois chansons qui ne pouvaient tenir dans la transmission radiophonique pour des contraintes horaires.
Trenet a bien fait rire son public, c’est le moment de caser des chansons plus difficiles, plus poétiques, qu’il chante ici en public pour la première fois : En Avril à Paris (1953) et Paule sur mes épaules (1954). Un peu de régionalisme (et une incitation pour l’amateur à découvrir les racines catalanes et provençales des mélodies de Trenet) avec La jolie sardane (1952), et l’on se trouve de plain-pied avec la veine folklorisante de Trenet. L’auteur-compositeur a plusieurs fois repris des oeuvres du folklore, le plus souvent en s’en moquant. Ici, c’est Le Roi Dagobert (1949) qui passe à la moulinette, que Trénet réintitule Le bon Roi Dagobert (Dada Gogo Bébert), mais ce qu’on pouvait prendre pour un acte de vandalisme se transforme bientôt en évocation émouvante, typique de ce don qu’avait Trenet de masquer une profonde mélancolie sous un aimable sautillement : c’est le portrait d’un vieux roi gâteux dans un monde qu’il ne comprend plus.
Le récital touche à sa fin, et toujours Trenet mêle ses nouveaux succès aux anciens : Le serpent python (1951) - une chanson qui est en même temps un dessin animé - précède Y’a d’la joie (1937).
On sent que, pendant ce récital, Trenet s’est économisé un peu, pensant peut-être à son Olympia tout proche. Mais, entraîné par son public, et il se donne à fond pour cette dernière chanson inscrite au programme, ce Y’a d’la joie qui le lança (Jacques Canetti note dans ses Mémoires que le principe du passage à une tonalité plus élevée au final fut repris l’année d’après par beaucoup d’autres chanteurs) et l’inusable La Mer (1946) que le public du cinéma “ Le Dôme ” lui réclame expressément.
Malgré les rappels, Trenet s’en tint là, comme à son habitude, lui qui n’aimait pas la comédie des rappels : Il faut les garder sur leur faim.
Il existe d’autres enregistrements de Charles Trenet en public, mais celui-ci a de particulier que Trenet ne chante pas cette fois devant le froid monstre anonyme d’une salle de spectacle qu’il faut dégeler. Il chante en petit comité devant ses amis et ses voisins. Dans une interview tardive il avouait qu’à ses débuts quelques critiques l’avaient épinglé parce qu’il en faisait trop : trop de voix, trop de bonds, trop de grimaces. Ici, dans ce “ récital de proximité ”, Trenet se pose un peu et gagne en naturel et en émotion vraie ce qu’il perd en effets. C’est cet éclairage intime, à la façon d’une répétition générale, qui donne à cet enregistrement une singularité rayonnante.
Label : INA Mémoire vive
Charles Trenet - Concert à la Varennes en 1954
Revoir Paris - Boum - Débit de l’eau, débit de lait - L’âme des poètes - Mam’zelle Clio - Dans les pharmacies - Les bœufs - En avril à Paris - Paule sur mes épaules - La jolie sardane - Le Roi Dagobert - Le serpent python - Y’a d’la joie - La mer.
Référence : IMV060 - 3329184686020
1 CD : 58:06 - Enregistré au Cinéma « Le Dôme » de La Varenne-Saint-Hilaire (94), le 16 mai 1954 - Notes en français.
Paraîtra chez Abeille Musique le 27 mai 2005.
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RECITAL INEDIT A LA VARENNE EN 1954 | Connexion/Créer un compte | 7 Commentaires |
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