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"LA PREMIERE FOIS C'ETAIT DIMANCHE..."
le 07 Mai 2012 - 03:08
Un coup de chapeau Par Gérard FOUSSIER, dit Gérard Brumières.



Le premier vers du poème d’Albert Bausil, "Les Trois Roses", mis en musique par Charles Trenet, peut servir de « chapeau » à ces quelques lignes dédiées au plus jeune, au plus léger, au plus vrai des poètes contemporains.

C’est en effet un dimanche en matinée que je le vis pour la première fois… J’étais allé, comme à l’accoutumée, avec ma grand-mère, applaudir les artistes de music-hall à l’A.B.C. Je crois me souvenir que Lys Gauty était la vedette du programme. Mais je n’avais qu’un faible goût pour le tour de chant gominé, automatique et … règlementaire de l’époque. Non, moi, ceux qui m’attiraient, c’étaient les acrobates, les cascadeurs, les comiques, en un mot, tous ceux qui brillaient aux mille feux de la rampe.



J’aimais à imaginer la vie extraordinaire de ces héros de légende. Je parcourais en pensée les routes aux mille aventures qui leur faisaient visiter le monde…

Mais ce dimanche-là, au tout début du spectacle, la « speakerine » aux jambes dites aériennes, se pencha vers les fauteuils d’orchestre, et, presqu’en confidence, elle prononça la phrase magique que je devais entendre souvent, le plus souvent possible, au cours des années suivantes :

« Poésie de la jeunesse,
Jeunesse de la poésie,
Voici Charles Trenet ! "

Alors apparut sur la scène un grand jeune homme blond, aux yeux bleus clairs grands ouverts, le costume bleu foncé, la chemise de même ton, la cravate blanche, l’œillet à la boutonnière et surtout, le chapeau mou, tellement mou qu’il l’écrasait dans sa main, qu’il n’avait plus de forme lorsqu’il le posait n’importe comment sur sa tête ou l’enfonçait jusqu’aux oreilles…

Et il chantait, il parlait, il criait sa joie de vivre, ce grand jeune homme blond. Son pied gauche scandait inlassablement le rythme fou de ses musiques joyeuses.

J’étais fasciné, transporté, emballé… Je ne comprenais pas toujours le sens des mots qu’il prononçait, mais je savais déjà, au fond de moi, je savais qu’il parlait de ciel bleu, de fantômes gentils, de gendarmes joyeux, de printemps légers…

Le jour même, j’en fis ma vedette ; les autres n’existaient plus pour moi, j’en avais oublié mes « héros-aux-pieds-magiques ».

Combien j’ai été heureux et fier de constater que le grand public réservait à Charles Trenet le même accueil enthousiaste que moi ! Il n’eut pas en effet à franchir les étapes classiques : son nom fut presque immédiatement projeté à la tête d’affiche.

Quelques années plus tard, pendant l’occupation, je fis la connaissance de Charles Trenet.
Il chantait à l’époque au « Bœuf sur le toit ». J’allais chaque jour l’y écouter.
Je faisais partie d’une troupe de jeunes amateurs et nous montions une revue qui fut présentée au Tout-Paris lors d’un gala organisé au bénéfice des prisonniers de guerre.
J’y tenais le « rôle de ma vie » (dans les deux sens de la phrase puisque ce fut le seul, ma vie n’étant malheureusement pas sur les planches !). Je devais en effet imiter Charles Trenet.

J’avais là une excellent excuse pour le voir souvent.

Un jour, bien timidement, je lui adressai la parole, Il se montra extrêmement aimable et me donna tous les conseils dont j’avais tant besoin.
Puis les années ont passé et je l’ai vu et entendu partout où il chantait … à ma portée.
Un jour, la vie des affiches m’a permis un nouveau rapprochement.




J’étais, à l’époque, responsable des Services de Propagande de Pernod. J’ai engagé Charles pour chanter, chaque soir, aux étapes du Tour de France, sur la scène du super-car Théâtre Pernod. Le succès a été tel que la Direction de Pernod a réalisé qu’elle n’avait plus besoin des champions cyclistes pour attirer la foule et, pendant trois années consécutives, Charles Trenet a chanté sur les places publiques des stations estivales, aux mois de juillet et d’août.

Enfin, associé à Emile Hebey, le manager de Charles, je l’ai à nouveau engagé à chanter aux étapes du Tour pour le compte d’un de nos importants clients, la Société U.R.G. Butagaz. Ce fut, une fois encore, la tournée du triomphe ! Le vrai, le grand public, aime Charles Trenet et ses chansons et il sait le lui montrer. Charles, soutenu qu’il était par cette foule enthousiaste, se laissait aller complètement à sa joie de chanter.

Le soir, après le spectacle, nous nous retrouvions souvent devant un piano, Charles me chantait ses nouvelles œuvres, me disait ses dernières trouvailles. Un jour, une de mes petites chansons a eu la chance de lui plaire et il me fit, quelque temps plus tard, la grande joie de l’enregistrer (Du soir au lendemain). Une autre fois, il écrivit sur la nappe en papier d’un restaurant-routier un poème délicieux que je mis en musique et ce fut la chanson C’est le Rhône qui ronronne, créée et enregistrée par Mouloudji.

Toutes ces années ont fait de nous des amis… autant que l’on puisse être l’ami de Charles Trenet. Avec lui, en effet, l’amitié doit suivre une route souvent difficile et toujours à sens unique ; elle doit aller à lui comme les bravos du public et ne pas attendre qu’il ne montre jamais la moindre émotion qui puisse ressembler à de l’affection…
Mais quelle importance ! … Pour moi, il restera toujours sur le piédestal où l’avait placé un cœur d’enfant…

C’est dans la traduction de son immense talent de poète qu’il faut savoir lire entre les lignes si l’on veut tenter de percer le secret de l’homme le plus solitaire du monde.


Texte paru dans le Numéro Spécial du Journal des Amis de Charles Trenet, à l’occasion de l’anniversaire du Fou-chantant, le 18 mai 1963.




TOUR DE FRANCE

Une chanson inédite de Charles Trenet
Les voyant partir de Bretagne
Subito Presto
Cent quatre-vingts champions triés sur le vélo,
Courant à travers la campagne
Courant après la gloire,
J’ai l’impression bizarre
Qu’ils vont faire le tour de mon répertoire
De la Mer aux Pyrénées
De mes Vertes Années
Pour enfin revoir Paris
Et ses taxis
Bref, comme disait mon distingué
Confrère Maurice Chevalier,
Ce Tour à ma façon,
C’est ma route et mes chansons.
Partout où passe le Tour de France,
C’est la fête, c’est dimanche,
C’est dimanche de la France.
On distribue des chapeaux en papier,
Des mirlitons, des savonnettes,
On voit passer Georges Briquet,
On voit même des coureurs à bicyclette.
Maman, voilà le maillot jaune canari,
Voilà Coppi, Bartali et Geminia
Et puis voilà, ils sont passés,
Y’en a jusqu’à l’année prochaine.
Il reste des prospectus froissés
Sur la route comme une traîne,
Sur la route des Tours passés.

Juillet 1952
Paru dans l’Equipe en juillet 1983.
 
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Re: "LA PREMIERE FOIS C'ETAIT DIMANCHE..."
par Duncker (Envoyez un message) le 10 Mai 2012 - 04:01
Sur cette photo, Charles est en compagnie du coureur Raphaël Geminiani.

Re: "LA PREMIERE FOIS C'ETAIT DIMANCHE..."
par Duncker (Envoyez un message) le 10 Mai 2012 - 04:04
Lu dans "le Journal des Amis de Charles Trenet" de septembre 1959 :

Un "jeune" dans la chanson, Gérard Brumières, a enregistré "Le piano de la plage" dans la collection Disquaires Associés (CDA 6), production Barclay.

Re: "LA PREMIERE FOIS C'ETAIT DIMANCHE..."
par Perpignan (Envoyez un message) le 05 Juin 2012 - 01:10
Merci beaucoup. J´étais curieux d´apprendre comment G.Brumíeres est devenu le co-auteur de la chanson "C´est la Rhone qui ronronne".
Et j´ignorais qu´il soit aussi auteur de la merveilleuse chanson "Du soir au lendemain."

Contact : webmaster@charles-trenet.net

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