Interlude
Extrait du « Dictionnaire amoureux de la télévision » de Jacques Chancel
(Plon - 2011)
« Le grand échiquier » du 30 mars 1978.
Pour Charles Trenet, l’insaisissable fou chantant, nous avions sur le
plateau 15 des Buttes-Chaumont composé un décor à sa mesure. Il avait
demandé : « Faites-moi un jardin extraordinaire ».
Les arbres avaient poussé dans la nuit, nous étions dans des corbeilles de
fleurs, il y fut, trois heures durant, la tête de bouquet. Drôle, endiablé,
gamin, génial : le rythme pour signe de vie, le talent pour vertu poétique
– « Je ne suis qu’un faiseur de petites rimes. » Je me surprenais à
m’étonner de me trouver si près de lui, je me souvenais de mon adolescence,
de mes fuites au bout du monde : c’était quelque chose de chanter « Revoir
Paris » dans les typhons de l’Indochine ! C’était aussi – parce que
persuadé de son pouvoir, de son prestige – un jaloux. A la remise des
premiers « 7 d’or » par Arnold de Contades, à Rio de Janeiro (N.D.L.A : le
5 juin 1975) – j’étais avec lui. Alain Delon, Jacques Charon, l’un des
récipiendaires -, il s’était fâché rouge. La raison ? « On ne m’accorde pas
le moindre intérêt alors qu’un monde de petits gens se bouscule pour
toucher Delon qui n’a jamais été un créateur. C’est de l’imposture. » Il
n’aimait pas que je lui rappelle ce moment d’égarement. « Je plaisantais »,
précisait-il. Faux.
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