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MARIE-LOUISE TRENET, LA MAMAN DE CHARLES
le 18 Mai 2013 - 12:01
Sur l'homme... Par Elisabeth Duncker

Pour les 50 ans de son fils, voici la lettre parue en couverture du Numéro Spécial du Journal des Amis de Charles Trenet, le 18 mai 1963 :

C’est avec beaucoup d’émotion et de joie que j’ai suivi, depuis 1938, la carrière de mon fils.
J’étais dans les coulisses de l’A.B.C. lors de ses débuts, j’y ai partagé son trac et son triomphe. J’ai souvent voyagé avec lui en France, à l’étranger et aux Etats-Unis. Partout le même succès l’a accueilli, car il possède ce don inouï de comprendre chaque public et de s’y adapter sans concessions de goût douteux ou d’effets faciles. Ma plus grande fierté est de constater qu’il est resté fidèle à sa vocation de poète sans trop se soucier des modes passagères et des enthousiasmes d’un jour.
Mais sa « Route enchantée » ne fut pas aussi aisée qu’on le croit ! Je sais les efforts, le travail qu’elle a exigés. Car si le talent est don de Dieu, la lutte et la persévérance dans la lutte restent choses humaines très personnelles.
Avec tout mon émerveillement et toute ma tendresse maternelle, je te dis : « Bon anniversaire », Charles ! et t’offre mes vœux.
Marie-Louise Caussat- Trenet.






Le commentaire de Marie-Louise Trenet :
Bien volontiers et même avec grande joie j’ai écrit ces lignes. Je serais contente que vous les fassiez paraître telles quelles. Elles ont jailli spontanément de mon cœur, expriment la vérité et il me semble que vos lecteurs en reconnaîtraient les accents.


Qui était Marie-Louise Trenet ?

Revenons d’abord plus de quarante ans en arrière, plus précisément au 9 octobre 1968 qui fut le jour de ma première visite à Mme Caussat-Trenet, comme elle se faisait appeler alors.

Je la connaissais depuis les années cinquante, pour l’avoir rencontrée aux grandes premières de son fils à Paris, et elle savait qui j’étais. Récemment j’avais échangé une correspondance avec elle – peu importe maintenant quelle en fut l’origine, je raconterai cela une autre fois – et elle m’avait écrit :
Croyez que je suis toujours sensible à la fidélité de votre amical souvenir et je serais heureuse, si les circonstances vous amènent à Paris, de vous redire ceci de vive voix.

Aussi lui téléphonai-je dès mon arrivée à Paris et aussitôt elle m’invita à venir prendre le thé chez elle, le lendemain à 17 heures.
Ce vendredi, à l’heure dite, je pénétrai dans l’immeuble 9, avenue Alphonse XIII, dans le 16e.
Madame Caussat-Trenet ? Au septième, à droite, » renseigna la concierge.

En sonnant à la porte indiquée, je m’attendais à voir paraître une bonne vêtue de noir, portant un petit tablier blanc amidonné et coiffée d’un bonnet de dentelle. Mais lorsque la porte s’ouvrit, j’entendis une voix joyeuse et affectueuse : “Bonjour mademoiselle!
C’était Mme Trenet elle-même qui se tenait là sur le seuil, les mains tendues, avant de me précéder dans son petit appartement.

A vrai dire, j’avais un peu appréhendé cette visite, mais elle se montra si spontanée et naturelle que je me sentis immédiatement à l’aise avec elle.

Elle paraissait en parfaite santé, parlant avec volubilité et se mettant aussitôt à croquer les chocolats que je lui avais apportés de Hollande.

“Je vais mettre le thé!” dit-elle et elle s’en alla d’un pas allègre à la cuisine, tandis que je jetais un regard autour de moi.
La petite pièce était pleine de photos de son fils, sur les meubles, sur les murs, des photos d’un Charles adolescent, à Narbonne, à Perpignan, avec son frère Antoine, et quelques-unes plus récentes, parmi lesquelles je reconnus une de mes propres productions : celle où il était avec Maurice Roget, devant le Théâtre de l’Etoile, en 1961.

Avec des gestes vifs et précis, Mme Trenet mettait sur la table ronde un napperon blanc, y disposait la théière en argent, des rondelles de citron, des gâteaux.
Elle devint tout de suite confidentielle, qualifiant comme “folie” que Charles eût quitté Pathé Marconi pour aller chez Barclay, me confiant que Hebey était très découragé à la suite des récentes annulations des concerts à Amiens et à Aubervilliers. (Voir aussi notre article, Mon ami Jean Séraphin ).

La tournée à Buenos Aires, au Canada et au Japon, prévue pour cet hiver, était en suspens. Buenos Aires était un contrat datant de juillet déjà et Charles n’avait pas voulu y aller à ce moment-là.
“C’est l’hiver là-bas!”, avait-il dit.

Avec elle, la conversation ne chômait pas, je ne voyais pas le temps passer, mais je savais qu’il ne fallait pas, à une première visite, rester au-delà d’une heure ou deux. Aussi, vers six heures et demie m’apprêtai-je à prendre congé ; seulement, elle ne me laissa pas partir - elle devait recevoir peu de visites – et elle tenait encore à me montrer ses derniers dessins qu’elle avait faits au « Domaine des Esprits » à Aix-en-Provence, des endroits que je connaissais bien maintenant pour y avoir passé quelques jours un mois plus tôt.



“Oh, mais, il ne m’en a rien dit, le coquin!”, s’écria-t-elle sur un ton de reproche.
Et la voilà repartie pour évoquer avec moi ce faux château fantasque et fantastique qu’était « Le Domaine des Esprits », où l’on sentait que Charles aimait le mystère, les fantômes, l’ange du bizarre : c’était un vrai labyrinthe de couloirs, avec des armoires rustiques s’ouvrant sur des escaliers dérobés, des statues, des armures, les murs ornés de Gobelins, de toiles, dont quelques-unes signées C.T., tout ça un mélange de baroque et de kitsch.

Charles ne s’en souciant nullement, c’est elle qui, l’été, y venait pour « sauver » les fruits mûrs, en faisant des confitures de cerises, d’abricots, des pruneaux à l’eau-de-vie, car à l’époque, au Domaine des Esprits il y avait encore plein de fruitiers, et aussi des moutons, des canards, des lapins, des poules – et Charles élevait ses propres vins : le Rouge de Honte, le Blanc de Rage, le Rosé de Pudeur.

Et elle me parla de la construction de l’autoroute (le A8) qui était imminente et qui allait traverser la propriété, menaçant d’y troubler le calme à jamais.
En nous séparant finalement, je dus lui promettre de revenir la voir, ce que je fis, à plusieurs reprises, aussi à La Varenne.


La maman de Charles Trenet

Charles disait d’elle : « Elle a l’âge de la Tour Eiffel ».
Et c’était vrai. Marie-Louise Constance Caussat est née le 4 octobre 1889, d’une famille bourgeoise languedocienne, à Narbonne, où ses parents étaient fabricants de futaille.
Quand je suis née, Narbonne était une ville qui agonisait. Il y avait à ce moment la fameuse crise des vins, qui était terrible. Tout le monde en a souffert. Tout battait de l’aile. Narbonne donc était une ville assez triste. Mais moi, je ne m’en suis pas trop préoccupée. Pour moi, Narbonne, c’est ma maison et c’est la mer. Et Narbonne, c’est la maison de mes parents, que mon grand-père avait fait construire, où ma mère a vécu, où mes parents sont morts, où mes enfants sont nés, où je suis née d’ailleurs moi aussi. Et puis alors, c’est la plage, la plage de La Nouvelle, et les garrigues, ces belles garrigues sauvages, où il y avait du vent, où il n’y avait que des abeilles, où il n’y avait que du thym. Maintenant on a planté des arbres, il faut bien couper le vent pour faire venir les estivants un petit peu. Mais la mer était très belle. Ce n’est plus du tout la même mer que la Côte d’Azur, c’est la mer que Charles a décrite dans « sa » mer, avec des étangs bordés de roseaux, etc.

Très catholique, elle reçut une éducation chez les religieuses.
J’ai eu une jeunesse assez renfermée. C’était le couvent et puis j’ai eu à Narbonne, une vie de femme qui a été malheureuse – et après, j’ai fichu le camp.

Ce fut pour épouser, à 19 ans, Lucien Etienne Paul Trenet, notaire et violoniste à ses heures, qui avait son étude à Saint-Chinian.


Clerc de notaire
Non seulement j’ai été la femme d’un notaire, mais j’étais clerc de notaire. Il n’y avait pas de machine à écrire, c’est moi qui, pendant quatre ans, faisais les expéditions à la main, à Saint-Chinian ! Ça m’a appris beaucoup de choses. D’ailleurs je suis très calée en droit !

Je me suis mariée trop tôt, surtout avec l’éducation que j’avais eue, parce qu’on vous lançait dans le mariage comme quelqu’un qui vous jette à l’eau. On dit qu’on n’a qu’à lancer les gens à l’eau pour leur apprendre à nager, mais c’est faux, parce que quelquefois ils se noient. Je savais nager un petit peu et je ne me suis pas noyée tout à fait, mais c’était très difficile. Non pas que j’aie fait un mauvais mariage ; je ne peux rien reprocher au père de Charles, mais c’est moi qui me suis trompée. Ça peut arriver quand on ne sait pas.



Charles était un splendide bébé
Mon fils Antoine naquit en 1909. Charles vit le jour le dimanche 18 mai 1913, à trois heures de l’après-midi. C’était un splendide bébé de dix livres avec d’abondants cheveux blonds.
Charles tout petit avait une grande qualité : il ne s’est jamais ennuyé et il ne m’a jamais ennuyée. Lorsqu’il était en vacances, il avait toujours quelque chose à trouver, quelque chose à faire . Et il chantait. Il chantait de petites chansons qu’il composait. Dans la petite école de Mme Meinrath, une Alsacienne qui apprenait à lire aux petits enfants, comme il n’avait que trois ans, on le mettait au fond de la salle et on ne s’occupait pas de lui, et pendant les recréations, il chantait. Alors un jour Mme Meinrath lui a dit :
« Mais qu’est-ce que tu chantes comme ça, mon petit Charles ? » Et il répondait : « Eh ben, ze zante ce que j’invente ».



Retour à Narbonne
C’est la guerre qui nous avait ramenés à Narbonne. A la fin de l’été 1914, mon mari, mobilisé, l’étude confiée à un clerc, pourquoi serions-nous restés à Saint-Chinian ? Je fis nos bagages et retournai vivre à Narbonne chez mes parents, avec mes deux fils. J’avais une aide précieuse en la personne d’Emilie, une cousine germaine de mon père, qui était venue habiter chez nous au début de 1916 et que Charles appelait « Tantoune ».


Benno : l’homme de sa vie

Marie-Louise divorça en 1920, sur un coup de tête, écrirait Charles plus tard, pour suivre Benno Vigny qu’elle avait connu en 1917, blessé de guerre, soigné à l’hôpital de Cité où bonne maman Caussat était infirmière.
Benno Vigny , homme génial, écrivain de talent, peintre, amant extraordinaire et mari catastrophique, car s’il gagnait beaucoup d’argent, il en dépensait plus encore.

En fait, on sait peu de ce personnage un brin obscur, dont la maman de Charles s’enticha.
Né en 1889, à Commercy (Meuse), de son vrai nom Benoit Philippe Weinfeld, Benno Vigny fut scénariste de films muets de 1924 à 1928, puis de films parlants. En 1931, il réalisa un long métrage « Bariole » , pour lequel Charles écrivit les paroles de ses premières chansons dont Jane Bos signa la musique.
En divorçant, je suis allée contre toutes les directives que l’on m’avait données. Et puisque je devais partir avec Benno à l’étranger, j’ai été obligée de mettre les enfants en pension chez les Pères de la Trinité à Béziers. Charles était tout jeune alors, il avait 7 ans.
Il ne me l’a jamais reproché, mais cela lui a fait beaucoup de peine, parce que Charles était un garçon très affectueux, très sentimental. Et je crois que c’est ça qui l’a chagriné et qui l’a marqué. Je revenais deux fois par an, j’avais les enfants pendant les vacances bien entendu, mais cela ne compensait pas. Il y avait un manque, c’est certain. Pourtant ils n’ont jamais eu l’impression qu’ils étaient des enfants délaissés, ni abandonnés. C’étaient des lettres, des petits joujoux, mais cela ne vaut pas la présence.

Maintenant je n’ai plus envie de voyager. J’ai horreur de faire des valises, j’ai horreur de me mettre dans le train. Et je crois que c’est parce que j’ai trop voyagé. Et puis ça me fatigue, je ne suis plus jeune ! Je reste à Paris, mais je pars une fois par an, je m’en vais pendant deux mois dans le Midi, chez Charles, à Aix-en-Provence ou à Juan-les-Pins, et là, je suis bien tranquille. J’adore le Midi, j’adore la Provence, j’aime Juan-les-Pins, sa maison à Antibes parce qu’elle est tellement jolie et puis que je suis bien chouchoutée là-bas...



Le premier métier de Charles était peintre
Quand Charles avait huit ans, je lui achetai sa vraie première boîte de peinture.
Peintre c’était son premier métier et d’ailleurs il écrit en peintre. Il écrit d’après ses impressions de peintre. Il a beaucoup de talent et il dessine. Charles ne sait pas tout ce que le Bon Dieu lui a donné comme dons, parce que moi, je n’y suis pour rien dans tout ça. D’ailleurs dans ma famille tout le monde était artiste ; mon père avait un don de comédien extraordinaire et il était très spirituel ; le frère de mon père avait un grand talent de peintre, de dessinateur, sa sœur était une pianiste merveilleuse. Charles a hérité de tout cela. Mais mon fils Antoine était un grand artiste aussi. Seulement Antoine avait une grande difficulté à s’extérioriser. Il était en quelque sorte un peu ligoté en lui-même, il ne pouvait pas absolument extérioriser ses sentiments, alors ça restait toujours à l’état d’ébauche.
Je n’ai jamais préféré aucun des deux. Mais le caractère de l’un était plus agréable que le caractère de l’autre. D’ailleurs, il n’y a rien de plus horrible pour une mère que de montrer, même si elle l’avait, une préférence.



Le caractère n’était pas tout en or
Charles a de moi beaucoup de choses, je crois. Mon tempérament d’ailleurs. Et il a aussi beaucoup de défauts de mon caractère. Il s’emporte. Ça vient comme un grain sur l’océan – on ne sait ni comment ni pourquoi ça arrive. Alors, il faut attendre que ça passe. Il est quelquefois même brusque, quelquefois violent, pas envers les personnes, mais envers les choses. Il lui est arrivé de casser des assiettes, des tables ou des chaises. Son plus grand défaut, c’est la colère, et le caprice. Il fait des caprices comme un bébé - quand il était petit il en faisait - et il est boudeur aussi. Il sait très bien rester deux ou trois jours sans parler quand une chose ne lui a pas plu.
Il est taureau, il est du 18 mai, alors il a toujours foncé avec des cornes devant l’obstacle - et Dieu sait s’il a eu des obstacles dans la vie – il a toujours foncé, sans regarder si quelquefois il piétinait quelque chose avec ses pattes.

Ses séjours en Amérique lui ont appris à se maîtriser un petit peu, à garder le sourire, même quand il est de mauvaise humeur. Seulement alors quand il est de mauvaise humeur, avec moi il ne se maîtrise pas – je suis le petit parapluie qui reçoit l’averse – je suis la mère ! C’est ce que l’on dit toujours : on a le meilleur et le pire !



Il a suivi sa voie
Je n’ai jamais contrarié sa vocation. Pourquoi contrarier un garçon qui, dès l’âge de 8, 9 ans, faisait des vers, qui faisait des chansons et qui écrivait des poèmes. C’est lui, c’est sa nature. Je crois fermement que c’est quand il écrit, quand il compose, quand il chante, qu’il est le plus sincère, car ses chansons, il ne les fait pas sur commande, elles suivent son inspiration, son dynamisme. Un jour il est un peu mélancolique, un jour il est loufoque, un jour il est très sentimental et alors c’est comme ça que vient la chanson. Je crois que la chanson chez lui, c’est un peu vraiment de son âme, de ses sentiments.
En tout cas, il a vraiment fait ce qu’il a voulu ; il a suivi sa voie. Moi, au début cela m’a un peu effarouchée, parce que je sais que la carrière d’un chanteur est une chose très dure, très difficile comme toutes les carrières artistiques – mais que vouliez-vous qu’il fasse, il n’avait aucun goût pour l’architecture ; j’avais pensé qu’il serait architecte puisque que son oncle était architecte.

Je suis fière de lui, bien sûr. Pour moi il n’est pas Charles Trenet – pour moi, il est Charles tout court. Le succès ce n’est pas, comme tout le monde croit, une seule question de chance. Le succès, pour le maintenir, il faut avoir beaucoup de courage et beaucoup de travail, car le talent sans le travail, ça ne dure pas. Et ce sont les deux choses que j’admire chez Charles. Il a eu beaucoup de courage, parce que la route enchantée n’a pas toujours été enchanteresse, et il a eu la même direction dans sa vie pour son travail.



Il aime la solitude
Il est très difficile de le dépeindre, Charles, c’est un garçon très secret.
On ne sait pas exactement où s’arrête la limite entre la pudeur chez lui et ce respect qu’il veut avoir de sa personnalité.

Il n’a jamais aimé les grandes réunions mondaines, il aime la solitude, parce qu’il a une vie intérieure très riche et je ne crois pas qu’il souffre de la solitude.
« La solitude c’est mon luxe », m’a-t-il dit et ça je l’ai bien compris. On ne sait jamais si Charles a besoin de quelqu’un, ni comme ami, ni comme maman, ni comme rien, mais n’empêche chaque fois qu’il a eu un coup dur, ça a été maman, toutes les fois, ce qui est normal.



Les Arts décoratifs – un beau mensonge
Quand il est venu à Paris, il avait 17 ans et il a déclaré à son père et à moi qu’il voulait entrer à l’école des Arts décoratifs. Du moins il l’avait dit à son père. A moi, il m’avait dit un peu la vérité. Et au lieu des Arts décoratifs, il est allé aux studios Pathé à Joinville, avec Jacques de Baroncelli. Et il faisait des claquettes. Et il gagnait 700 francs par mois. Il était très courageux. Il avait loué une chambrette dans un petit hôtel tout à fait au bout de l’avenue de Vincennes, qui s’appelait l’hôtel de la Voûte. Ah ! la première fois que je suis allée dans cet hôtel ! Ils ne voulaient pas d’abord me laisser monter, mais je dis : « Mais je suis sa maman, voyons ! » – On me dit : « Il faut que vous montiez au 2e étage, parce que le premier, vous savez, c’est pour le bordel. »

Je suis allée là-haut et j’ai vu cette petite chambre, il y avait des courants d’air partout ! Mais il était heureux là-dedans, il était chez lui. Il avait sa liberté. Mais comme nous étions arrivés à Paris, c’était en 1930, il est venu vivre avec nous, rue La Fontaine et alors, il était débarrassé de tout souci matériel. Il avait le gîte, le couvert, une charmante chambre – et c’est à ce moment-là qu’il a rencontré Johnny Hess.



Le mystère Benno Vigny

Quand , en 1934, Charles allait partir en tournée avec Johnny, Marie-Louise se désolait :
La profession que mon fils avait choisie, je l’avais acceptée, et par avance, tous les aléas qui en découlaient. A présent, les voyages, l’absence…
Trois ans durant, Charles avait vécu sous mon toit. Je m’étais habituée à sa présence quotidienne. Elle embellissait ma vie qui allait en se détériorant, conjugalement, pécuniairement…

En effet, Benno Vigny, vagabond impénitent, toujours par monts et par vaux – à Hambourg, en Baltique, à Marrakech, Benno la trompait.
Marie-Louise s’y résigna. Qu’aurait-elle pu faire d’autre ?
Cependant, pendant les années de guerre, sous le régime nazi, Benno, d’origine juive, a dû vivre caché. Avait-il quitté le continent ? De quoi vivait-il alors ? Ni Marie-Louise, ni Charles ne se sont jamais prononcés sur cette période restée pour le moins ombrageuse.
Toujours est-il, qu’à partir de 1942, Marie-Louise vint habiter, seule, avec son fils à La Varenne.
J’ai vécu environ 13 ans avec Charles à La Varenne, jusqu’à 1956. J’habitais la petite villa qui est devant la Marne. Lui a la petite maison qui est au fond du jardin et qu’il a achetée en 1941. C’était alors un atelier de sculpteurs qu’il a fait entièrement reconstruire. Il lui a fallu dix ans de course par le monde, dix ans de travail pour que ce projet devînt réalité.


En 1949, elle le rejoignit au Mexique, à Hollywood.
Cette même année, le nom de Benno Vigny réapparaît en tant que scénariste pour les films « Barry » et « Die Reise nach Marrakesch », et pour la dernière fois, en 1951, en Allemagne, pour « Der Verlorene » (« L’homme perdu ») réalisé par Peter Lorre. Depuis, c’est le silence. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il mourut en 1965 à Munich.


La qualité du bonheur
Le bonheur, c’est fort difficile à définir. Parce que chacun crée son bonheur et le bonheur dépend de la façon dont on envisage les choses dans la vie. Là, il y a peut-être une chose où je diverse complètement avec Charles, ce qui est très rare parce que nous avons le même sentiment sur beaucoup de choses. Mais sur la qualité du bonheur nous ne sommes pas du tout du même avis. Moi, j’ai vu le bonheur avec un grand B dans la vie, et lui le voit bien souvent par l’accumulation de petits b. C’est une différence – peut-être que ça crée chez lui un bonheur , parce qu’il me répète tout le temps qu’il est parfaitement heureux. Il adore la vie. Il a raison d’ailleurs. Quand on n’aime pas la vie, on n’aime rien, parce que qu’est-ce que nous avons de plus beau, de plus précieux que la vie…


Une mère poule

On disait qu’elle était dominante, que Charles et elle se chamaillaient comme chien et chat. Certes, elle voulait toujours materner son fils qu’elle idolâtrait et qui, pour elle, était demeuré le Benjamin qu’elle couvait comme une mère poule, qu’elle traitait comme s’il était encore un gosse de douze ans. Elle semblait oublier que c’était un homme mûr qui supportait mal cette manie de continuellement vouloir le dorloter, le chouchouter.
Je crains toujours qu’il lui arrive quelque chose. Il va sur les routes, en voiture, il prend des avions… mais que faire ? C’est sa vie, il l’a voulue ainsi. On ne peut pas le changer...

Cette sollicitude parfois excessive exaspérait Charles, lui avec son caractère coléreux et violent.
Aussi, y avait-il fréquemment des heurts, mais il ne faut pas oublier que Marie-Louise n’avait plus personne, son fils Antoine étant mort à 60 ans, sans enfants et Charles était le seul de sa famille qui lui restait.


Elle ne mâchait pas ses mots

Marie-Louise avait ses opinions bien tranchées et ne s’en cachait pas.

Sur la jeunesse actuelle :
Moi, je n’ai aucun esprit vieux, ni rétrograde, mais il y a une chose que je déteste dans la jeunesse actuelle, c’est le débraillé. Ils sont débraillés au physique et au moral. Ils sont affreux, ils s’habillent n’importe comment, ils n’ont aucun sens de la véritable esthétique. Ce que je leur reproche surtout c’est le débraillé moral. Un vice, une passion, ça s’excuse. Mais un débraillé, ça je n’excuse pas. Il y a une chose aussi que je leur reproche, c’est qu’ils rigolent, mais ils ne sont pas gais. Ils sont tristes au fond – je ne sais pas pourquoi, mais ils sont tristes. Et moi, je le sais, parce que je dialogue souvent avec eux. Mais c’est un peu un dialogue de sourds. Ils prétendent qu’on ne les comprend pas, ils disent qu’ils veulent vivre leur vie. Mais alors qu’ils sachent que vivre sa vie, c’est être heureux, être aimés, et non seulement faire l’amour. Vivre c’est d’avoir des idées, c’est d’avoir un idéal. C’est ça que je leur reproche aussi : où est-ce qu’il est, leur idéal ?
Et aimer, naturellement, c’est un grand risque, parce que quand on aime, on souffre, mais quand on ne souffre pas dans la vie, on n’a pas non plus de bonheur. C’est l’envers de la médaille…
Moi, dans la vie, j’ai reçu plusieurs coups de barre sur la tête, mais plus je vais dans la vie, plus je trouve la vie belle et digne d’être vécue. Alors, quand ils prennent ces airs désenchantés et qu’ils vous chantent des chansons qui sont tristes – et ils n’en pensent pas un mot, d’ailleurs – moi je les trouve complètement ridicules, et non pas seulement ridicules, mais as-som-mants !


Contre la liberté des mœurs :
Les jeunes filles aujourd’hui, elles ne sont plus des jeunes filles, ou presque. Je ne veux pas les mettre toutes dans le même sac, parce que je connais des familles, heureusement, où il y a encore des filles sérieuses, jeunes, qui sont vraiment intellectuellement et physiologiquement des jeunes filles.
Je suis contre la liberté des mœurs. Qu’une femme qui est mariée, qui a plusieurs enfants et qui, pour sauvegarder l’intégrité de son ménage, veuille prendre la pilule pour ne pas avoir d’autres enfants, cela je l’admets. Mais que les filles de 15 ou 16 ans grâce à cette chose-là se permettent toutes les libertés, ça je ne le tolère pas. Chez nous, dans le Midi, on disait : c’est la peur qui garde la vigne. C’est vrai. Maintenant elles n’ont plus peur de rien, alors la vigne, elle n’est plus gardée.



Une carrière de chanteuse à l’Opéra
Je voulais être chanteuse. Pas au music-hall, et je n’avais pas assez de volume de voix pour faire de l’opéra. Mais j’aurais aimé à faire des concerts. Seulement ce n’était pas possible avec la vie qui m’était destinée. Pourtant, je n’ai jamais eu l’impression d’avoir raté ma vie.
J’ai admirablement vécu avec ce que l’on peut dire le meilleur et le pire. C’est ça la vie. Il vaut mieux être un peu secouée de temps en temps que de vivre comme vit une arapède sur son roc et rester là sans bouger. Mais moi, j’ai vraiment bougé. Dans la bible il y a : celui qui sème le vent, récolte la tempête. Moi, j’ai semé le vent bien sûr. Et j’ai récolté la tempête, c’est normal. Mais enfin malgré cette tempête je me suis toujours efforcée de sauvegarder ma personnalité, mon intégrité intime, si j’ose dire, à travers les ennuis, les déboires, les événements , les situations difficiles, tant pécuniaires que sociales.


Ses conférences
Conférences ! c’est un grand mot. Non, je fais des petites causeries… Sur tout ! J’ai tous les culots ! J’aborde des sujets qui me plaisent et qui sont très divers. Ça a commencé en faisant de petites causeries au foyer de personnes âgées de Passy. Là, naturellement, il faut parler d’une façon très simple. On sous-estime quelquefois la valeur de ces femmes qui n’ont aucune culture mais qui ont quelquefois le désir d’apprendre et de s’instruire. Et moi, ce qui m’émerveille toujours, ce n’est pas parce que je leur fais une causerie, c’est parce qu’elles m’écoutent !

J’ai fait une causerie sur Brendan, le moine celte du Ve siècle. Cela m’avait donné l’occasion d’étudier l’histoire et de dire un peu ce que c’étaient les Celtes. L’actualité m’inspire beaucoup. Par exemple, je me souviens que j’ai eu le toupet, quand il y avait une récession sur le pétrole, de faire une causerie sur le pétrole ! Quand Nasser a rouvert le Canal de Suez, j’ai fait une causerie sur l’isthme de Suez – c’est 3.000 ans d’histoire ! Alors il faut doser ça naturellement, le faire en un soir ou deux, mais il y a des clubs où l’on peut parler tranquillement pendant 40, 45 minutes et où ça marche très bien. Puis ça fait boule de neige ; les directrices de clubs se disent :
« Mais appelez Mme Trenet, elle vous fera une conférence ! » Et comme cela m’amuse beaucoup, je dis toujours oui !


Sa passion : la lecture
Je n’ai jamais mené de vie mondaine. Je suis sortie quand j’ai été obligée de sortir, soit avec mon deuxième mari et avec Charles souvent, le soir. Mais ce que j’aime bien, moi, c’est de me calfeutrer un peu chez moi et lire. Lire, c’est ma passion. Je lis beaucoup. Un peu de tout. Et puis, j’ai toujours envie d’écrire.



Marie-Louise Trenet – romancière

Elle écrivit deux romans et des contes dont quelques-uns furent présentés, lus par Charles et sa maman, en 1971, par Gérard Sire sur France Inter.
Et, ce que personne ne sait, c’est elle qui fut l’auteur de la biographie « Charles Trenet » signée Marc Andry – (Calmann-Lévy 1953)
Ce livre, c’est moi qui l’ai écrit. Pourquoi je n’ai pas signé? Parce qu’en 1950 venait de paraître «Ses jeunes années» dans «Radio 50», ensuite parce que je craignais que le public ne me taxât de «partialité» et j’ai préféré l’anonymat.
Marc Andry écrivait des poèmes, j’ai voulu lui laisser la signature pour lui donner sa chance. Il essaya de collaborer à la rédaction du livre, il a écrit le début du premier chapitre et le dernier, chapitres que j’ai réécrits, leur style ne cadrant pas avec celui des autres.


Ces «Jeunes années » parues en feuilleton dans « Radio 50 », seraient adaptées et complétées par la suite, pour être publiées chez Robert Laffont en octobre 1978, sous le titre « Mes jeunes années ».
J’ai fait la première partie du livre, l’enfance, l’adolescence, tout cela, puis je me suis arrêtée au moment où Charles devient un homme mûr – parce qu’enfin il est un peu difficile tout de même pour une mère de dire les sentiments d’un homme qui a vingt-cinq, trente ans et qui avance dans la vie. Et puis, finalement cela ne me regarde plus. Charles a continué, en faisant la 2e partie, bien qu’il ait horreur du striptease moral. Pour moi, ce livre était une très grande joie et un très grand plaisir au point de vue sentimental, et pour lui, je trouve que c’est vis-à-vis de moi, le couronnement de sa tendresse.


Dans l’édition originale de « Radio 50 », comme à l’époque le divorce n’entrait pas dans les convenances, Marie-Louise ne nomma pas Benno Vigny, mais le désigna simplement par « un ami » :
Je m’en voudrais de terminer ce récit sans parler d’un ami qui me fut cher. Un ami qui aima beaucoup Charles, car il l’a connu dès son tendre enfance. Cet homme, écrivain brillant, plein de dynamisme, avait discerné sous la fantaisie de l’enfant, le talent futur. « Ton fils aura son nom dans le Larousse », me disait-il en riant. Plus tard, quand Charles composa ses premières chansons, cet ami lui donna sa chance en prenant six lyrics dans un film de sa production : « Bariole », tourné en 1931. Ce fut là certainement pour Charles son premier pas vers sa carrière. Que celui qui l’aida alors, en soit remercié.


Et elle conclut ainsi :
Charles est un grand travailleur. N’entendez point par là qu’il peine et sue à l’ouvrage, la composition n’est jamais un effort pour lui. Il crée naturellement, comme il respire. Et c’est spontanément que de sa gaieté, de son dynamisme, de sa tendresse ou de sa mélancolie, suivant les jours, naît le poème et la chanson. Mais il a compris la nécessité de la continuité du travail, il sait que seule la persévérance quotidienne fait la réussite d’une carrière. C’est cette continuité dans l’effort que j’admire le plus chez lui, le reste, « le don » est un présent de Dieu.

Je l’admire car j’ai vu, de mes yeux, son ardeur incessante et aussi sa patience, la maîtrise de soi, la mise en demeure de la volonté contre une fantaisie excessive. J’ai vu l’œuvre délicate, compliquée, dure parfois à réaliser qu’est une carrière d’artiste – la renommée est moins difficile à conquérir qu’à conserver. C’est une lutte quotidienne, un match chaque soir avec les publics différents, sous des cieux divers, d’autres latitudes. Il faut une intuition merveilleuse pour garder le contact avec ces foules, les faire rire, les émouvoir, car on doit rester soi-même et pourtant se renouveler, ne jamais aller en arrière, continuer la route. Pour tout cela, vous pouvez m’en croire, il faut travailler.



TRENET ÉCRIVAIN

« Mes jeunes années » par Gaston Bonheur - Télé 7 jours No. 960 – 21 octobre 1978.

Disons tout de suite que c’est un grand beau livre. Ne le rangez pas sur l’étagère des autobiographies de vedettes. Il a sa place au rayon Littérature. Il est d’abord un exceptionnel témoignage, sur la tragédie de l’enfance. Dans ce livre, premièrement, Marie Louise raconte, avec mauvaise conscience et élégance, l’enfance des frérots auxquels elle a préféré, en 1918, un militaire un peu cosmopolite et qui n’était pas leur père. Elle a l’art, comme une patineuse de la Belle Epoque, de glisser sur ses écarts et de s’appesantir sur ses fugaces repentirs. Deuxièmement, Charles raconte les mêmes choses avec des souvenirs chevillés au cœur. C’est le plus pudique, le plus émouvant réquisitoire qu’on ait jamais prononcé au nom des enfants abandonnés contre les parents divorcés :
Papa, quand viendras-tu nous voir ?
Je pleure, tu sais, au dortoir.
Je souffre de mille tourments
Quand viendras-tu avec maman ?
Elle est, paraît-il à Vienne.
Toi tu restes à Saint-Chinian.
Est-il bon que je m’en souvienne ?

De fait, Marie-Louise est à Vienne, à Berlin, à Prague, avec ce personnage très vague qui s’appelle Benno Vigny. A dix-sept ans, Charles se sauve enfin. Pour quoi faire ? Pour avoir le droit, loin des parents, d’être librement et à jamais un enfant.

Charles ! Je sais combien tu es inquiet de n’avoir rien écrit, dis-tu. Sois rassuré. Voici, en plus de tes chansons, des pages immortelles.





Bibliographie sommaire :
*« Mes jeunes années » - Robert Laffont – 1978
* Marc Andry : Charles Trenet (Collection Masques et Visages – Calmann-Lévy - 1953)
* Radioscopie de Jacques Chancel - 11 mai 1978
* Radio 50/Radio 51
* Destins – TSR 1977
* fr.Wikipedia.org
* Correspondance et entretiens personnels avec Marie-Louise Trenet

Nécrologie :
Lucien Trenet : 1882 – 1966
Marie-Louise Caussat Trenet : 1889 – 1979
Antoine Trenet : 1909 – 1969
Tante Emilie : 1871 - 1946



 
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MARIE-LOUISE TRENET, LA MAMAN DE CHARLES | Connexion/Créer un compte | 2 Commentaires
  
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Re: MARIE-LOUISE TRENET, LA MAMAN DE CHARLES
par Duncker (Envoyez un message) le 21 Mai 2013 - 01:48
MON FILS CHARLES
Par Marie-Louise Caussat-Trenet
(Extrait de « Music-Hall » - Avril 1955)

L’amour porte, dit-on, un bandeau sur les yeux. Stendhal, lui, parle de « cristallisation ». Quant au bon La Fontaine, il nous a conté joliment l’histoire de la Chouette et ses petits. Je pense à tout cela et suis fort embarrassée ! Je crains qu’on ne suspecte mon objectivité. Elle est cependant réelle. Les années sont un crible au travers duquel toute exagération se tasse. Non que l’amour maternel s’affadisse avec le temps, comme les autres amours, mais parce qu’au contraire en devenant moins instinctif, plus conscient, plus éclairé, il permet de trier dans les souvenirs émotifs et d’en dégager la vérité humaine.
Charles fut un enfant plein de défauts et de qualités, donc très attachant. Avec lui on était toujours sur le « qui-vive » , car le climat changeait avec l’humeur du jour. Heureusement, les orages passaient vite. Je parle, vous le comprenez bien, de son caractère. A la fois tendre et violent, brusque et délicat, impulsif et têtu, colère et câlin, c’était un étrange petit garçon capable de se rouler par terre en ruant des pieds, gesticulant des bras si l’on faisait mine alors de l’approcher, hurlant, criant, puis se calmant tout seul et venant cinq minutes après vous embrasser. Il ne boudait jamais, ne gardait pas rancune et ne se vengeait que par des mots, disons… pittoresques ! qu’il regrettait tout aussitôt. Seulement, il n’exprimait jamais ce regret et se contentait d’user de toute sa diplomatie enfantine pour se faire pardonner. On se laissait prendre au piège… Orgueil de sa part ? Sans doute, mais peut-être aussi une certaine timidité qui bloquait dans sa gorge les mots qu’il aurait voulu dire.
On ne s’ennuyait jamais avec lui. Je crois d’ailleurs qu’il faut s’ennuyer soi-même pour contaminer d’ennui les autres. Or, l’enfant, et plus tard le jeune garçon, ignora l’ennui. Il possédait mille ressources pour le mettre en fuite : jeux inventés, imagination, rêveries, dessin, peinture et un goût très marqué pour la musique. Assis auprès de mon piano, il écoutait : lieder de Schubert, de Schumann, sonates de Mozart, de Beethoven, valses de Chopin touchaient déjà sa sensibilité formant, à son insu, dans sa mémoire, cette trame romantique qu’on retrouve souvent dans ses chansons. Parfois, j’essayais d’un morceau de rythme, je le jouai bien mal, mais cela le ravissait. Lui-même évoque toujours en souriant le fameux « Hindoustan » à la mode en 1920. Sa faculté d’imagination était surabondante. Pouvais-je l’appeler mensonge ? J’en fus parfois tentée. Puis, comme il ne s’agissait pas de m’induire en erreur sur ses faits et gestes réels, mais de me conter ceux qui se passaient en son esprit, je rayai le mot mensonge et le remplaçai par « fantaisie ». Je ne veux pas dire que Charles n’ait jamais menti ! Quel enfant extraordinaire n’eût-il pas été dans ce cas. Or, la seule chose extraordinaire de son enfance et de sa prime jeunesse fut précisément qu’il n’était pas cet enfant prodige devant qui l’on s’extasie, mais un garçon robuste, aux joues rouges, plein de défauts et de qualités. Bien sûr, on pouvait se poser la question suivante, à savoir qui prendrait le dessus dans son caractère ? Sa personnalité était déjà si marquée, sa volonté si tenace, que souvent le choc se produisait, on ne pouvait pas toujours céder ! Il aimait si farouchement sa liberté que toute punition qui l’en privait avait un résultat désastreux. Oui, mieux valait ne pas brimer, faire confiance, tâcher d’orienter les forces vives, lui laisser le choix. Qu’aurais-je gagné à faire la grosse voix ? Le chemin du cœur était la meilleure route, car, dès son plus jeune âge, Charles m’a témoigné une affection très tendre qui ne s’est jamais démentie.
Ainsi a-t-il grandi sans me donner trop de soucis, ni pour le corps que je savais solide, ni pour l’âme qui était délicate et amoureuse du beau. La lecture, les boîtes de peinture, les voyages jalonnèrent son adolescence. Il a poussé normalement, comme un bel arbre.
Ses souvenirs
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Témoignage vidéo de Mme Trenet
par Dominic (Envoyez un message) le 25 Mai 2013 - 07:37
Témoignage vidéo : <object width="420" height="315"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/gKQOGYAzprQ?hl=fr_FR&amp;version=3"></param><param name="allowFullScreen" value="true"></param><param name="allowscriptaccess" value="always"></param></object>

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