par Ann Allnatt.
De son propre aveu, notre correspondante anglaise aime la France, le bon vin... et Charles Trenet. Elle apprécie tant son univers que, depuis longtemps, elle rêvait de se plonger dans les paysages d'enfance de Charles, et découvrir ce décor familier qui a si souvent inspiré ses vers. Rentrée dans son Surrey, Ann nous fait partager ce retour aux sources de l'inspiration du poète.
Enfin, Alice est de retour du pays de merveilles ! Oui, j’ai fait le voyage de mes rêves au pays de l'enfance de Charles.
Je suis arrivée à Toulouse par un jour froid et pluvieux. Ce n'était guère de bonne augure pour une visite dans ce pays réputé ensoleillé ..
Mon petit séjour à Toulouse s'est bien passé quand-même et j'ai vu "le Capitole" et, sans doute, entendu ses ténors en si bémol, comme dit la chanson ( Autour du monde - 1947 ) . En passant par le Lauragais, en route pour Narbonne, le temps s'est vite amélioré et je suis arrivée en plein été.
Narbonne, oui, c'est une ville douce et charmante. Bien que je susse que je serais conquise, me voilà tout de suite captivée. Armée d'un tas de notes prises dans "Mes Jeunes Année" et dans le superbe livre de Richard Cannavo, j'ai cherché les repères de cette enfance narbonnaise. Ce n'était pas très difficile : grâce au canal, au chemin de fer et aux vieux quartiers classés, la petite ville est restée pareille à celle que Charles a connue. J'ai vite trouvé sa maison, l'église St Paul-Serge où il a été baptisé et "la rue Droite où si l'on tourne à droite, on retrouve toujours l'école Beauséjour"( Narbonne mon amie - 1961 ) . Bien qu'à front de rue, sa façade soit neuve, il paraît que le mur ancien existe toujours dans la cour. Comme Charles chante dans Ne cherchez pas dans les pianos , sur le Quai d'Alsace, la petite école de Madame Meinrath est certainement disparue, car les bâtiments du quai sont modernes.
Nous faisons une demande à l'Hôtel de Ville pour visiter la maison et rendez-vous est fixé pour un mecredi matin. En arrivant, le petit jardinet est ouvert. J'y attends l'arrivée de la guide, en compagnie de la belle statue de Charles qui s'y trouve. A 11h précises, la porte s'ouvre : voilà Catherine, notre sympathique guide,. Elle explique qu'après la mort des derniers parents agés qui l'habitaient, la maison a été divisée en deux appartements : un pour Charles, l'autre pour sa mère. Au rez-de-chaussée, un hall au dallage noir et blanc (sur lequel Charles dessinait, petit) aboutit dans une grande et confortable salle de reception commune pour la mère et le fils et meublée dans un style années 50-60. On nous dit que le piano et le piano qui s'y trouvent viennent de Nogent. Sur les murs, beaucoup de photos et des tableaux peints par Antoine, le grand frère. Je dois préciser que, dès l'entrée de la maison, des chansons de Charles (choisies par ses soins !) nous conduisent d'une pièce à l'autre... un peu comme s'il vous prenait la main pour vous faire découvrir son domaine.
Nous montons au premier étage. L'appartement de Madame Trenet est joli et de très bon goût : un grand salon, une salle à manger, une très belle cuisine bien équipée, une salle de bains et une chambre. Partout des photos de famille et de Charles avec amis et des grandes vedettes de son époque.
Enfin, le dernier escalier nous conduit vers l'appartement de Charles. Une porte fermée, avec ses initiales et une sonnette, pour que son appartement soit tout a lui. Le salon, également des années '60 avec un téléviseur assorti et un petit tourne-disques qui marche toujours, paraît-il. Dans ce salon, deux fenêtres lui donnaient l'impression d'être en bateau. Beaucoup de photos, son certificat de la Légion d'Honneur... et un 33 tours que j'ai convoité avec un de ses tableaux illustrant la pochette. Juste a côté se trouve un de ses fameux saunas et dans le couloir, un chapeau melon qui appartenait a son père, quand il était notaire puis, au bout, un bouquet d'oeillets rouges, accroché au mur. Nous visitons la chambre de Charles avec une étoile sur la porte, comme une loge - et sa salle de bains avec sur un étagère, une bouteille de "Yardley Old English Lavender" . Quelle joie pour une anglaise de découvrir, dans ce pays réputé pour ses parfums, qu'il utilisait une marque typiquement anglaise ! A côté, une jolie chambre d'amis et la cuisine, garnie d'un plateau de noix.
C'est tout, la visite est finie. J'espérais tant garder toutes ces images dans ma mémoire mais déjà le souvenir se fane un peu. A l'invitation de Catherine, je signe le Livre d'Or et y inscrit un petit baiser pour lui dire merci.
L'après-midi, j'ai pris la route pour le cimetière de l'ouest pour déposer un petit bouquet de fleurs sur le caveau de la famille Trenet .
De Narbonne, j'ai pris le train pour Béziers, afin de chercher le Collège de la Trinité. Je crois l'avoir trouvé (nommé maintenant le Lycée de la Trinité) avec ses murs hauts comme une prison et peu de fenêtres. Quel choc pour ces deux petits garcons élevés comme eux, dans une famille chalheureuse. En rentrant vers la gare, dans la vitrine d'une animalerie, j'ai aperçu deux petits chatons tigrés, aux yeux bleus, effrayés et blottis l'un contre l'autre dans le coin d'une boîte. Rien ne change : il y aura toujours des petites créatures qui se trouvent seules et qui ont peur.
De Narbonne aussi, j'ai pris le train pour Port la Nouvelle... la scène des vacances en famille... mais maintenant , c'est devenu une assez grande ville estivale. En tout cas, le phare me semblait familier, grâce aux tableaux d'enfance de Charles.
En quittant Narbonne pour Perpignan, on passe par la maison Trenet avec la statue aux bras ouverts vers les trains.
La gare de Perpignan : "le plus beau monument du monde" selon Salvador Dali, qui s'assied sur le sommet du toit. L'avenue du Général de Gaulle, en face de la gare, était jadis l'Avenue de la Gare, où vivait la famille Trenet. Plus tard, elle s'installa rue Galérande de Villaséca, juste à côté. Le centre est plus ou moins piétonnier et j'ai pu trouver la rue Quéya, où est né le père de Charles et la rue de la Cloche d'Or, où il avait son étude de notaire. J'ai trouvé aussi la petite rue des Cardeurs, où se trouvait le bureau du "Coq Catalan. La place de la Loge, son Grand Café et la place Arago, dont on parle beaucoup dans "Mes Jeunes Année, gardent un air du temps passé. J'ai trouvé aussi l'église Saint Matthieu, où Charles fit sa première communion et la rue de l'Argenterie qui "la sortie de la grand'messe a tout l'air d'une kermesse, dans les pâtisseries"
De Perpignan, j'ai visité Collioure. C'était jour de férié (Le Lundi de la Pentecôte) et on aurait dû y danser La jolie sardane , la main dans la main. Malheureusement, personne ne la dansait. Un petit tour aussi a Céret, pour manger les cerises et regarder le Canigou de plus près, par un jour de vent violent, Canet Plage enfin, pour chercher le nom de Charles sur sa promenade.
Heureuse découverte : à Perpignan, dans une librairie, j'ai trouvé un très beau livre illustré sur "Perpignan quand le siècle avait 20 ans"... le Perpignan de Charles Trenet et Albert Bausil, bien sûr ! C'est passionant de le lire en tandem avec "Mes Jeunes Années.
Après tout cela, dommage, il ne me reste qu'à regagner Toulouse et l'avion pour Londres. Il va sans dire que j'ai pleuré derrière mes lunettes de soleil en quittant ce beau pays... et une réalité qui a souvent supplanté mes rêves.
Au revoir, Languedoc-Roussillon... et à bientôt !
Des images, de la maison natale de Charles ?
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