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par Ann Allnatt
De tous les films de Charles Trenet, celui que j'ai toujours voulu voir, c'est La route enchantée. D'abord, parce que c'est le premier de ses films puis parce que c'est lui-même qui en a écrit le scénario (en deux jours, dit-il). Grâce à la gentillesse d'un de nos membres du portail, je viens d'obtenir ce film en vidéo.
C'est l'histoire de Jacques Minervois, fils d'un prof de math, qui a toujours revé d'un grand château. Insouciant et sûr de lui, il quitte sa maison familiale pour le chercher. D'abord, il échoue dans un théatre ambulant, mais un incendie met prématurément fin à son emploi. Alors, reprenant sa route, par miracle, il tombe sur le château qui peuplait ses rêves.
Jacques y est accueilli par la châtelaine, une dame assez fantasque qui veille à garder une ambiance médiévale dans ses murs. Justement, elle cherchait un troubadour ! Puis Jacques tombe amoureux de la jeune fille de la maison et lui écrit de belles chansons. Apres mille aventures, sa route l'amène à Paris, où il est prié de monter une opérette qui utiliserait les chansons écrites pour son amoureuse.
Et quelles chansons ! On y trouve Je chante, Vous êtes jolie, Boum !, Il pleut dans ma chambre et La route enchantée, bien sûr, qu'on chante toujours soixante ans après.
Cette histoire est assez fidèle aux débuts artistiques et de la vie de Charles Trenet car, doux et fantaisiste et bien dans l'esprit dans son époque, ce film me semble être à la fois biographique et visionnaire. Il y a beaucoup de sa vie d'enfant et de jeune homme la-dedans : une famille bourgeoise, cultivée et musicienne, sa passion pour l'astronomie et l'histoire et cette quête pour trouver un "château" fabuleux, qui serait son destin. Il y a même un épisode de faux fantômes, qui rappelle assez l'aventure à Vernet-les-Bains (Note : Les lecteurs qui voudraient en savoir plus sur cette blague qui devint un mini scandale, lire l'article de Bernard Revel sur ce site). Enfin, dans sa vie de jeune homme, Charles lui aussi quitta sa famille pour aller à Paris, pas pour devenir troubadour mais pour travailler dans cinéma ! Bizarrement, c'est par la chanson qu'il est devenu vedette de cinéma !
Et d'ailleurs, ce besoin du jeune Jacques Minervois de partir "de ferme en château", Charles Trenet l'a gardé de toute sa vie. Collectionneur de maisons, il ne cessait jamais de voyager entre elles, de villa en appartement, en France et à l'étranger. Et quel grand plaisir il prenait à faire ces grandes tournées qu'il célébra d'ailleurs dans une chanson En tournée où son "coeur s'amuse".
De toute sa vie, le troubadour qu'il était aimait la grande route, adorait voyager, bouger. Dans un autre film, "Adieu Léonard", son personnage - toujours un rêveur - part en roulotte pour aller on ne sait où. "La roulotte", pour Charles, c'était une belle voiture, qu'il collectionnait plus encore que les maisons.
Parmi les centaines de chansons qu'il écrivit au fil des ans, il revint souvent sur ce sujet cher à son coeur : la liberté de la grande route. Un thème très souvent abordé, notamment dans Il y avait des arbres où, en l'écoutant, on a véritablement l'impression de rouler avec lui.
Il nous présente cette philosophie dans sa chanson Si le coeur vous en dit :
"A quoi bon tant de choses quotidiennes
Qu'on appelle a la longue le destin
Oubliant qu'une vie bohémienne
Est toujours a portée de la main".
Au début du film, Jacques et son jeune frêre parlent de leur besoin d'échapper à leur vie provinciale et étouffante. Jacques se demande pourquoi on hésite à franchir le pas. "On a peur", répond son cadet. Beaucoup d'entre nous vivent cette crainte aussi, mais Charles Trenet, non. Il n'hésite pas et, avec ses chansons de liberté, nous emmène avec lui sur cette route enchantée. |
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