Jeannette
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Posté le 3/3/2011 à 17:14 |
Un poème d’Albert Bausil, publié en 1929 et dédié à Charles Trenet, qui
avait 16 ans cette année.
Sous les cloches catalanes.
A Charles Trenet
Le Jeudi-Saint,
les jardiniers ont apporté dès le matin
de gros bouquets de quarantain,
qu’ils ont posé sur le coussin
de velours noir, où dort, dans le crypte dévote,
le vieux Christ espagnol dont on compte les côtes.
L’ombre, où le cœur rouge d’un vitrail palpite,
sent le cierge, l’encens et l’éponge bénite
dont les petits pénitents frisés se sont servis
pour laver les pieds du bon-Dieu, mercredi.
Au fond de la chapelle de sainte Thérèse,
la marchande de chaises
dit le chapelet, avec des yeux clos, des soupirs,
toute l’extase des confesseurs et des martyrs,
en songeant à sa soupe à l’ail et à Madame Courtois
qui lui doit quatre sous de la dernière fois.
Ce soir, les jeunes gens du quartier Saint-Jacques,
parce que c'est le Samedi de Pâques,
iront chanter les « Goigs dels ous » sous les fenêtres
de Monsieur de Lazerme, qui leur donnera peut être
cent sous, pour aller voir « Le Fils de Zigoma »,
au cinéma.
O Samedi de Pâques ! mandolines
dans les rues d’argent pâle, où l'on devine
à l’ombre de la lune et des balcons chantants,
des amoureux blottis qui serrent le printemps !
Et puis, demain ce sera Pâques.
Ah ! sonnez, cloches de Saint-Jacques !
et vous, cloches de la Réal,
dans l’air bleu et matutinal !
et vous, clocher plus bas et plus proche de Dieu,
humble clocher de Saint-Mathieu !
et vous ! et vous ! rempli de cloches baptismales,
vieux clocher de la Cathédrale !
Sonnez, cloches ! sur les maisons,
sur les cœurs qui ont plus de foi que de raison,
sur le perron, sur la fontaine, sur la grille,
sur la chambre de la jeune fille,
et sur le lit étroit et blanc, où les petits
dorment de si bon appétit !
Sonnez sur le rire aigu des premiers lilas
qu’on voit pointer à la porte de la villa,
et sur la chaste, tendre et plaintive glycine
qui tord les bras comme une princesse de Racine.
Sonnez sur moi, sonnez sur moi, cloches réveillées
qui sentez l’herbe, le muguet, l’ombre mouillée,
et toute l’ivresse de l’air,
— jusqu'à la mer !
Sonnez sur moi, sonnez sur moi, ailes battantes
des Cloches ressuscitantes !
faites pleuvoir le ciel et le jour palpitant
sur mon cœur nu qui vous attend,
sur mon cœur nu qui a vingt ans, qui a vingt ans,
ô cloches de tous mes printemps !
[Edité le 3/3/2011 par Jeannette] |
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